Notre-Dame-des-Landes : Des bricoleurs de zones humides

Petits arrangements pour tenter de compenser les dommages environnementaux du mégabétonnage.

Patrick Piro  • 19 juillet 2012 abonné·es

La loi sur l’eau peut-elle faire caler l’aéroport ? Pour les opposants, l’argument du terrain est propre à faire plier les promoteurs. Le site retenu s’étale en effet sur une zone humide importante, lieu de collecte de précipitations qui alimentent à la fois les réseaux de la Vilaine au nord et de l’Erdre au sud. Or, un aménageur est tenu de compenser la destruction de zones humides par la création de surfaces doubles dotées des mêmes fonctions écologiques. Les deux concessionnaires, AGO pour l’aéroport et l’État pour sa desserte routière, doivent donc créer près de 3 000 hectares de zones humides à proximité, résume Guy Bourlès, qui suit le dossier pour la Ligue de protection des oiseaux (LPO) régionale, dont il est vice-président. « C’est considérable, ce qui rend l’objectif très délicat à atteindre… »

Les concessionnaires se vantent de mener une opération pionnière, témoigne Thérèse Leparoux, élue de la commune de Treillières. « C’est très opaque : ils décident eux-mêmes des critères de compensation. » Un modèle biologico-mathématique, où l’on attribue de 0,75 à 2 unités de compensation (Uc) pour la création d’un hectare de prairie naturelle à partir d’une peupleraie, de 0,5 à 1,5 Uc pour la restauration d’un hectare de mégaphorbiaie [^2] à roseaux…

« Nous comptons attaquer en justice cette “innovation” : en gros, ils ont inventé la clé de répartition qui leur permet de “passer” ! », ironise Guy Bourlès, membre de l’une des deux commissions locales de l’eau concernées, qui ont émis des réserves importantes. D’autant que les 41 millions d’euros attribués à ces mesures agroenvironnementales lui semblent ridicules. « Moins de 10 % du budget total du projet d’aéroport, quand il en faudrait jusqu’à 25 %… » Une dérive significative de ce poste pourrait conduire à casser la déclaration d’utilité publique qui valide l’ensemble du projet. Les deux enquêtes publiques lancées le 21 juin iront-elles dans ce sens ?

En attendant, des agriculteurs locaux sont démarchés pour passer des contrats environnementaux alimentant les concessionnaires en Uc – abandon de cultures, reconstitution de haies, de mares… « Dans la plus complète opacité, ce qui, là encore, est contraire aux textes », relève Guy Bourlès. Contactés, deux des bureaux d’études impliqués par ces mesures compensatoires gardent un silence total. « Nous sommes tenus par des règles de confidentialité », répond-on chez Biotope.

[^2]: Prairie dense constituée de roseaux et de hautes herbes, transition entre la zone humide et la forêt.

Écologie
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