Sunny Side of the doc : En attendant la rentrée
Le Sunny Side of the doc, à La Rochelle, a été cette année encore l’occasion pour les grandes chaînes de présenter leur rentrée documentaire. Sans surprise, malgré quelques audaces de France Télévisions et de Canal +.
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Des chiffres pour commencer : 286 décideurs et acheteurs, 400 sociétés exposantes et une petite cinquantaine de pays représentés. C’est d’abord ça, le Sunny Side of the doc : un marché du documentaire. Les grandes chaînes sont présentes, à l’exception de TF1, de M6 et de la TNT. Et pour cause : dans les programmes de celles-ci, trouver un documentaire équivaut à croiser un chasse-neige en Afrique. Et pourtant…
Dans une conférence de presse consacrée au point de vue des auteurs, Jean-Xavier de Lestrade, président de la Société civile des auteurs multimédia (Scam), soulignait une anomalie, sinon une absurdité ou une imposture : selon les chiffres du Centre national de la cinématographie (CNC), qui apporte une contribution financière aux programmes, en 2011, la TNT a diffusé 294 heures de documentaire, M6 comptabilise 186 heures, contre 157 heures pour France 2. De quoi s’interroger sur la définition du documentaire, véritable fourre-tout, où se bousculent la création, le reportage, les magazines, des programmes fabriqués en quelques jours. D’où la volonté à la Scam de distinguer le documentaire de création, exprimant un regard, en définissant des critères objectifs. Qui pourraient être le temps de montage, l’insertion d’une musique originale, d’animations ou d’images de synthèse, l’emploi d’un chef opérateur et d’un ingénieur du son… Autant de critères qui déboucheraient sur des aides complémentaires, et favoriseraient les expressions originales.
Sunny Side est d’abord l’occasion pour les chaînes de présenter leur rentrée. À France Télévisions, dans un contexte de crise (fin 2012, le déficit sera de 30 millions d’euros), et en attendant une nouvelle réforme de l’audiovisuel public (prévue début 2013), devant un parterre fleuri de producteurs, les responsables ont décliné le sens de la formule : on défend « le film décalé » ; « le regard inversé » ; « un pas de côté » et « des films audacieux », on se veut « exigeant pour le plus large public possible ». Les réalisateurs ont dû apprécier… À côté de soirées dites événementielles, France 2 a annoncé un nouveau film de Didier Cros, Parloirs, un autre sur la destruction des Juifs d’Europe (8×52’), de William Karel, tandis que France 3 a mis en avant une histoire des Frères musulmans, par Michaël Prazan, et France O le regard d’une réalisatrice colombienne, Natalia Orozco, sur Benghazi. Il n’y a guère que les nouvelles écritures et le transmédia dirigé par Boris Razon pour bousculer les choses.
Foin de lieux communs éculés à Canal +, qui entend s’installer durablement dans le documentaire. Outre Soupçons 2, de Jean-Xavier de Lestrade, revenant sur le cas d’un condamné à mort aux États-Unis, Michael Peterson, la chaîne cryptée a souligné deux projets ambitieux : Global gâchis, d’Olivier Lemaire, s’articule autour du gâchis alimentaire, entre surproduction, produits formatés et dérives de la grande distribution. Kindia Horizon 2015, de François Bergeron et Anthony Orliange (avec la plume de Patrick Menais), est tourné vers la Guinée Conakry, dans la ville de Kindia. Il s’agit, en quatre années (et autant de docs) d’accompagner un projet de développement : améliorer l’accès à l’eau potable, équiper des centres de santé maternelle, établir une filière de tri des déchets et promouvoir une agriculture durable. La chaîne s’est associée à plusieurs ONG et entend faire un appel au don à ses abonnés. D’un film à l’autre, la ligne éditoriale, sous la houlette de Christine Cauquelin, est claire : la citoyenneté et la solidarité.
Enfin, ni discours ni formules à Arte. Mais un choix éditorial toujours rigoureux. À la rentrée, sont ainsi prévus, notamment, un portrait cinglant de la Goldman Sachs, de Jérôme Fritel et Marc Roche ; Quand la Chine délocalise, de Magali Serre, sur l’implantation économique chinoise en Europe ; un retour sur l’affaire Karachi et la raison d’État, par Jean-Christophe Klotz ; et une histoire du Shin Bet, l’agence de renseignement israélienne, par Dror Moreh. La chaîne a surtout insisté sur une rentrée culturelle, avec, entre autres, des portraits d’Umberto Eco et d’Erri De Luca.
Justement, lors de la conférence de presse de France Télévisions, un producteur s’interrogeait sur « la place de la littérature actuelle dans le service public ». Et France 3 de répondre par un doc autour du pacifisme à travers les figures de Malraux, Drieu La Rochelle et Aragon, tandis que France 5 surenchérissait avec un numéro de la collection « Empreinte » consacré à Amélie Nothomb. De Malraux à Nothomb, « la littérature actuelle » à France Télé est bien défendue.