D’un foutage de gueule estival
dans l’hebdo N° 1216 Acheter ce numéro
Dans le chaud du mois d’août, après qu’un pauvre taré avait tiré, à Aigues-Mortes, vers des jeunes Maghrébins et que d’autres dégénérés avaient beuglé dans une proche arène des insanités anti- « bougnoules » , le Monde s’est désolé de ce que « le racisme se banalise dans le Gard » – et la presse dominante s’est empressée de donner de l’écho à cette amère déploration.
Mais, au vrai : le Gard est l’une (mais non la seule, beaucoup s’en faut) des contrées françaises où la xénophobie, loin d’être, comme paraissent le supputer d’hâtifs journalistes, un phénomène récent, est au contraire, dans quelques-uns de ses recoins, une tradition déjà ancienne – et il faut n’y avoir jamais mis les pieds pour soutenir plus de trois dixièmes de seconde que le racisme serait dans ces lieux une nouveauté.
Le constat dressé par les gens du Monde et leurs confrères et consœurs des rédactions de l’alentour est donc un peu court – et sans doute aussi un peu facile.
Car, en vérité, ce n’est pas dans le Gard, mais à Paris, et dans des cercles très comme il faut, que l’expression publique du racisme se banalise depuis de longues années.
Ce n’est pas dans le Gard, mais dans des ministères parisiens – et non des moindres –, et certaines fois même jusqu’à l’Élysée, que l’immigration est depuis de longs ans présentée comme un « problème » – et que d’éminentes éminences profèrent distinctement qu’il y a « trop d’étrangers » . (Ou que, dès lors qu’il y en a plus d’un, « il y a des problèmes » .)
Ce n’est pas dans le Gard, mais dans de très convenables rédactions parisiennes, que d’élégantes âmes s’acharnent, depuis le début des années 2000 (dans le meilleur des cas), à « dire tout haut » , sous le sceau d’un « iconoclasme » dégueulasse, ce qu’elles appellent « des vérités qui dérangent » sur les « Arabo-musulmans » – et quelques autres faciles proies.
C’est d’en haut, donc – de Paris, et du sommet de l’État et de sa presse d’accompagnement –, qu’est venu l’exemple de la libération d’une logorrhée infecte.
C’est d’en haut que des « anticonformistes » à deux balles, toujours en quête de boucs émissaires vers qui détourner l’attention du bon peuple des hideurs des marchés, ont décidé que des « tabous » devaient être « brisés » , et que la « décomplexion » devait autoriser la normalisation, dans l’espace public, de ce qui ne s’énonçait jadis que dans les cénacles de l’extrême droite.
Quand, après cela, la presse dominante s’émeut soudain de la banalisation du racisme dans tel département sudiste, elle se donne à bon compte une contenance vertueuse. Mais nous savons pertinemment qu’elle continuera ensuite, comme elle a toujours fait, à donner des tribunes à de respectés clercs d’époque dont la prose est au fond identique à celle des tristes salauds qui hurlent dans une arène qu’ils n’aiment pas les « bougnoules » – avec tout de même la différence qu’elle est autorisée.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.