Les « autres » écoles veulent passer au tableau

Les tenants des pédagogies alternatives ont l’espoir d’être mieux reconnus par le nouveau ministère. Les moyens suivront-ils ?

Clémence Glon  • 30 août 2012 abonné·es

Marginales mais influentes. De manière plus ou moins assumée par les gouvernements successifs, les pédagogies alternatives ont irrigué les différentes politiques de l’éducation, rendant plus ou moins perméable la frontière entre école classique et « école nouvelle ».

La loi Jospin d’orientation de l’Éducation marque, en 1989, l’instant où ces deux visions de l’école entrent le plus en connivence. Alors que les pédagogies Freinet, Montessori ou Steiner – pour ne citer qu’elles – font de l’enfant le sujet actif de son apprentissage, ce texte a l’ambition de « placer l’élève au cœur du système éducatif » . Déjà largement implantés au sein des écoles nouvelles, les conseils des délégués de classe germent alors dans l’ensemble des lycées de France. Deux fois par an, sous la présidence du chef d’établissement, les représentants des élèves échangent sur les questions relatives à la vie et au travail scolaires.

En 2007, marche arrière. Xavier Darcos, ministre de l’Éducation du gouvernement Fillon, se focalise sur les savoirs fondamentaux, emblèmes de la droite conservatrice, pour effectuer sa « révolution culturelle de l’essentiel   ». L’Éducation nationale se concentre désormais sur son rôle de transmission des savoirs et ferme la porte aux activités d’émancipation, chères au mouvement de l’école nouvelle.

Aujourd’hui, avec la concertation sur la refondation de l’école – où l’Institut coopératif de l’école moderne (Icem), réunissant les partisans de la pédagogie Freinet, a son pupitre –, Vincent Peillon redonne de l’espoir aux défenseurs des méthodes de travail alternatives. Le conseil des élèves, l’évaluation par un système de pastilles de couleur plutôt que par la notation sur 20 et le travail en petits groupes pourraient ainsi se voir généralisés dans l’ensemble des établissements. À condition, bien sûr, que les moyens humains suivent.

« Les pédagogies comme celle initiée par Célestin Freinet se développent dans des établissements de petite taille, explique Philippe Meirieu, professeur en sciences de l’éducation. Ils dépassent rarement 100 élèves. » Et même lorsque la légitimité de ces méthodes est reconnue, la rédaction d’une loi ne suffit pas à faire bouger les choses. Par ailleurs, si « les idées avancées par Vincent Peillon sont généreuses , estime Philippe Meirieu, la plupart sont déjà inscrites dans la loi de 1989 ! » .

Même si les écoles alternatives, en grande majorité privées, fonctionnent comme des laboratoires fermés où sont expérimentées des innovations pédagogiques, l’Éducation nationale n’hésite pas à faire siennes les méthodes qu’elle juge efficaces : l’aide aux élèves en difficulté ou la lutte contre le décrochage scolaire, par exemple. Cependant, elle n’a jamais vraiment encouragé la construction d’une école «  autre  ». « La question que se posent les militants de l’école nouvelle est de savoir si Vincent Peillon est prêt à laisser se développer des espaces parallèles à l’école traditionnelle afin d’expérimenter des méthodes d’apprentissage » , souligne Philippe Meirieu.

En 1982, le lycée public autogéré de Paris ouvrait ses portes. Une façon pour la gauche au pouvoir d’afficher son désir de faire sauter les carcans et de répondre à toutes les attentes. Aujourd’hui, un projet de collège et lycée Freinet tente de se monter du côté de Nantes. Mais les professeurs attendent encore la réponse du nouveau ministre quant à la dérogation nécessaire pour voir cet espace intégré à l’école publique…

Publié dans le dossier
L'école selon Peillon
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