Berlin choisit l’intégration des Roms
Alors que la France démantèle les campements, la capitale allemande mise sur l’insertion sociale et professionnelle des ressortissants roumains et bulgares. De notre correspondante à Berlin, Rachel Knaebel.
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Les murs de l’association berlinoise Südost Europa Kultur sont couverts de photos grand format et encadrées. Elles montrent des jeunes gens, appareils numériques à la main. Ils sont tous roms, vingt filles et garçons de 15 à 24 ans, arrivés il y a peu dans la capitale allemande. Ils ont participé ici, pendant six mois, à un programme soutenu par la ville et l’Europe. Ces jeunes « ont appris des bases de langue et pris part à des ateliers de couture, de bois, de métal, découvert la ville, les musées », explique Bosiljka Schedlich, directrice de la structure qui existe depuis 1991. Aujourd’hui, ils sont en stage en entreprise. L’un d’eux, entre-temps, a réussi le test pour entrer au collège, et un nouveau groupe a pris le relais début août. Comme en France, de nombreux Roms de Roumanie et de Bulgarie sont venus en Allemagne depuis l’entrée des deux pays dans l’Union européenne, en 2007. La capitale comptait à elle seule, fin 2011, 16 000 Roumains et Bulgares de plus qu’en 2006, dont beaucoup de Roms, selon la municipalité. Pourtant, l’Allemagne connaît peu le phénomène des campements et expulse peu : à peine 260 Roumains et 70 Bulgares [^2] renvoyés par avion dans leurs territoires d’origine l’année dernière.
C’est ici que la plupart des Roms européens arrivés à Berlin ces dernières années ont élu domicile, en partie dans des immeubles délabrés loués par des marchands de sommeil. « Nous avons dans les écoles du quartier vingt nouvelles inscriptions par mois d’enfants roms, qui ne parlent pas ou peu l’allemand. Ils sont 700 aujourd’hui », signale le responsable. Alertée par les instituteurs, l’administration d’arrondissement a lancé, en 2011, un programme de cours de vacances pour ces nouveaux élèves, pendant l’été, les congés d’automne et de Noël. Le quartier a ensuite embauché douze éducateurs-interprètes en bulgare et en roumain.
« L’intégration de ces personnes n’est pas un problème. Mais, pour que ça marche, il faut l’éducation », insiste Arnold Mengelkoch. L’approche de Neukölln a fait école dans la ville. La municipalité de Berlin a adopté, en juillet, une « stratégie d’intégration des Roms étrangers » en partant du principe qu’ils « vont séjourner de manière durable et légale ». Le programme prévoit 300 000 euros à ce titre dans le budget 2012-2013. Pour Bosiljka Schedlich, « cette politique n’est pas une invitation à tous les Roms d’Europe, mais un exemple montrant comment une ville peut appréhender la situation de manière positive ». Et sortir des personnes de l’exclusion. Comme cette jeune femme de 25 ans que Südost Europa Kultur a rencontrée lorsqu’elle lavait les vitres des voitures aux carrefours. Aujourd’hui, elle cuisine à l’association et apprend l’allemand. Son fils de trois ans va tous les jours au jardin d’enfants.
[^2]: Source : réponse du gouvernement à une question écrite du groupe Die Linke au Bundestag, mars 2012.