Croissance : le pacte fantôme
Après le conseil européen de la fin juin, François Hollande s’était réjoui d’un accord pour la croissance et l’emploi, condition pour la ratification du traité budgétaire. Qu’est-il devenu ?
dans l’hebdo N° 1217 Acheter ce numéro
Le « Pacte pour la croissance et l’emploi » aurait-il disparu ? Ce texte, voulu par François Hollande, a été adopté dans la douleur par les chefs d’État et de gouvernement lors du conseil européen des 28 et 29 juin. Il était, pour le président français, la condition d’un ralliement au traité budgétaire européen [^2]. Force est de constater que les mesures urgentes décidées alors, censées éloigner la crise et alléger les cures d’austérité dans la zone euro, sont pour l’instant restées sans suite. Le pacte souhaité par François Hollande est absent de la version actuelle du projet de loi organique transposant le traité budgétaire européen [^3]. Le Président avait pourtant déclaré à Bruxelles, le 29 juin, qu’il était une « étape nécessaire, indispensable ». Et d’insister : « J’avais depuis plusieurs semaines, pendant la campagne présidentielle mais aussi au lendemain de l’élection, voulu que le premier conseil européen auquel j’avais l’honneur de participer puisse être consacré à la croissance et mettre en œuvre des mesures concrètes, précises, et le faire rapidement. C’est fait. »
François Hollande ajoutait alors « que l’Europe a été réorientée comme il convenait ». Un satisfecit loin de la réalité : le traité budgétaire européen n’a pas été « renégocié » comme il le souhaitait dans son programme. Les chefs d’État européens ont adopté un pacte pour la croissance d’une dizaine de pages qui écarte deux engagements présidentiels majeurs : l’un consistait à revoir le rôle de la Banque centrale européenne, l’autre à créer des eurobonds. L’ensemble des mesures retenues dans le pacte sont en fait inscrites depuis 2010 dans une stratégie pour la croissance intitulée « Europe 2020 ». Elle a succédé à la fameuse « stratégie de Lisbonne », axe majeur de la politique économique mise en œuvre par la Commission et menée par les États membres de l’UE. Dans ce cadre, le financement de l’économie européenne pour un montant de 120 milliards d’euros avait déjà été proposé par la Commission et la chancelière allemande Angela Merkel, bien avant François Hollande.
La stratégie « Europe 2020 » prévoyait aussi une augmentation du capital de la Banque européenne d’investissement et l’octroi de nouveaux prêts par celle-ci (à hauteur de 60 milliards d’euros dans le pacte). Les moyens des fonds structurels devaient être utilisés pour dynamiser la croissance (55 milliards dans le pacte). De même, la taxe sur les transactions financières faisait déjà l’objet d’une proposition de la Commission. Ainsi, le pacte signé en juin est loin d’être respecté. Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a tapé du poing sur la table en juillet et écrit aux dirigeants européens que les coupes prévues dans le projet de budget européen pour 2013 « compromettent déjà l’esprit du récent accord ». Mais la conception très libérale de cet accord, qui reprend mot pour mot la stratégie mise en œuvre par la Commission, n’est pas désavouée. L’approfondissement du marché unique nécessite une « réforme structurelle des marchés du travail ». Les dirigeants européens en appellent aussi à la directive « Bolkestein » de libéralisation des services, qui avait suscité le « non » au Traité constitutionnel européen en 2005, mais qui a été adoptée en catimini en 2006 après un compromis entre le Parti socialiste européen (PSE), à gauche, et le Parti populaire européen (PPE), à droite. Il s’agit de revenir sur les « restrictions nationales » figurant dans cette directive, et de mener « une action rapide pour supprimer les obstacles injustifiés ». Et les accords de libre-échange avec Singapour et le Canada sont cités comme des « moteurs de croissance » qui « * devraient être achevés pour la fin de l’année ». *
S’il ressurgit dans le débat politique, ce catalogue de vieilles recettes libérales, loin de répondre à la récession dans laquelle s’enfonce la zone euro, pourrait relancer les divisions à gauche sur l’adoption du traité budgétaire européen.
[^2]: Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG), signé le 2 mars à Bruxelles.
[^3]: Cette version est datée de la mi-août et a été publiée par Mediapart.