D8 sous surveillance
Le CSA a donné son feu vert à la chaîne filiale de Canal +, avec un cahier des charges très encadré.
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Après l’Autorité de la concurrence, en juillet, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a validé le rachat au groupe Bolloré de Direct 8 et Direct Star par Canal +, acté en septembre 2011. Voilà qui marque l’entrée de Canal dans la télé gratuite. Mais avec un budget trois à quatre fois supérieur aux autres chaînes de la TNT (passant de 37,6 millions d’euros à 120 millions, d’ici à 2015). De quoi faire grincer la concurrence. France Télévisions, TF1 et M6 se sont soudées auprès du CSA pour tenter de museler la chaîne (moins ambitieuse, Direct Star est restée à l’écart du débat). Le but : lester au maximum le cahier des charges de Direct 8, de sorte qu’elle ne jouisse pas de la force d’achat de la maison mère. Soit limiter la diffusion de séries américaines, leur acquisition auprès des majors (que se répartissent jusque-là équitablement TF1 et M6), les droits d’événements sportifs et la diffusion de films français. Des films dont Canal a le monopole et qui pourraient profiter à sa filiale (cela dit, TF1, France Télé et M6 ont un droit de préemption sur toutes leurs coproductions, limitant la marge de manœuvre de Canal sur la diffusion en clair). L’enjeu ne réside évidemment pas dans la programmation (TF1, France Télé et M6 n’ont pas de leçons à donner sur la diffusion à outrance de séries américaines), mais dans la possibilité pour Direct 8 de capter les marchés publicitaires. Un gâteau que se partagent TF1 et M6 à hauteur de 76,5 %, et que ces groupes ne veulent pas voir grignoté. Or, si Direct 8 pèse aujourd’hui 2 % d’audience, Canal compte doubler ce chiffre en trois ans.
Le CSA a donc rendu son verdict et fixé l’ordonnance. Si Direct Star, maintenant renommée D17, se voit assignée seulement à une clause de diversité musicale, elle est quelque peu contraignante pour Direct 8, rebaptisée D8. À commencer par une clause de non-cession de la chaîne pendant deux ans et demi. En termes de programmes, D8 sera limitée à 52 prime-time de séries américaines par an, pendant trois ans (contre 100 sur TF1 et 150 sur M6), puis à 80 au-delà de ces trois ans. Elle devra attendre 18 mois avant de diffuser les fictions originales produites par Canal +. Ce sera donc le cas pour des séries comme Braquo, Mafiosa ou Engrenages. Côté cinéma, comme D8 est supposée participer au préfinancement des films (ce point reste à négocier), un tiers de la diffusion de ses films français inédits sur le petit écran devront être des œuvres réalisées à petit ou moyen budget : moins de 7 millions d’euros. Côté sport, la chaîne est autorisée à programmer du foot, du tennis, du cyclisme et du rugby, à hauteur de 75 heures par mois. Au-delà, elle devra élargir ses retransmissions à d’autres sports (curieusement, les sports féminins ne sont pas comptabilisés, probablement parce qu’ils ne sont pas encore assez vendeurs, même si le foot féminin fait une percée, précisément sur D8). Plus contraignante est l’obligation de produire pour la chaîne 730 heures de programmes inédits à la télévision française, qu’elle soit gratuite ou payante. Ce qui revient à deux heures par jour, contre une seule sur W9 et TMC, ou 1 h 15 sur NT1, où sont même comptabilisées les rediffusions parmi les inédits. Ce qui devrait réjouir les producteurs appelés à vendre leurs programmes. D8 s’ouvrira chaque matin avec la reprise du flux d’i-Télé (groupe Canal également) entre 6 h et 8 h. Une double exposition qui ne coûtera pas l’embauche d’un journaliste à la chaîne, et qui fait déjà râler Alain Weill, PDG de Next Radio, propriétaire de BFM TV, leader sur le marché de l’info continue. Dans l’ensemble, les obligations du CSA n’ont rien d’une addition sévère. La chaîne a déjà recruté plusieurs têtes de gondole : Laurence Ferrari pour un talk-show quotidien (entourée de chroniqueuses comme Audrey Pulvar et Roselyne Bachelot, et dont les rumeurs fixeraient le salaire mensuel à 20 000 euros), Cyril Hanouna, Frédéric Mitterrand et Daphné Roulier pour un nouveau JT.
En attendant Valérie Trierweiler ? Le groupe Canal négocierait avec la première dame une émission culturelle sur D8. Cela marquerait son retour sur la chaîne qu’elle a quittée en avril après y avoir animé, en 2005, des rendez-vous politiques puis un magazine culturel. Canal a simplement confirmé un « contact informel ». Après Pulvar aux Inrocks, le mélange des genres, le manque d’éthique journalistique et le conflit d’intérêt monteraient d’un cran. Rendez-vous le 7 octobre.