Jean Jouzel : « Les climatosceptiques jouent sur la crainte du changement »
Jean Jouzel analyse les effets sur l’opinion des propos de Claude Allègre et consorts.
dans l’hebdo N° 1218 Acheter ce numéro
Alors que le climat, hélas, ne cesse de se dégrader comme les climatologues l’avaient prévu, les textes de scientifiques qui nient cette évolution ont brouillé la compréhension du public. Explications de Jean Jouzel.
Où en sont les climatosceptiques ?
Jean Jouzel : Ils viennent de subir un événement déstabilisant avec la défection du professeur américain Richard Muller, qui, bien que financé par l’industrie, vient de reconnaître que nous avions raison. Je me demande d’ailleurs s’il est toujours président de sa fondation. En fait, ces gens n’ont plus beaucoup de grain à moudre car le climat évolue, hélas, comme nous l’avions prévu.
Quelles sont les conséquences de leur activisme ?
Ils ont fait beaucoup de tort, l’opinion publique a mal évolué, et le sentiment scientifique s’effiloche. D’une certaine façon, ils ont « gagné » en parvenant à semer le doute. Même si leurs arguments n’ont rien de scientifique, rien qui tienne la route.
Sur quoi s’appuient-ils ?
Sur la difficulté que beaucoup de personnes éprouvent à changer rapidement notre modèle de développement. Ils jouent sur notre crainte du changement. C’est plus facile de continuer en étant « rassuré » qu’il n’y a pas de péril imminent.
Comment procèdent-ils ?
En reprenant et en recopiant sans cesse les mêmes informations d’un site à l’autre sans rien vérifier, sans rien prouver, et cela ralentit notre action. Ils publient aussi des livres à sensation. Il y en a eu beaucoup ces dernières années. Cette accumulation est grave, car les gens ne savent plus quoi penser.
Quel rôle joue Claude Allègre ?
Malheureusement, Claude Allègre a réussi à créer en 2011 sa Fondation écologique de l’avenir et à la placer sous l’égide de l’Académie des sciences. J’ai écrit, pour protester, au chancelier de cette académie, mais je n’ai jamais obtenu la moindre réponse. Et Claude Allègre a réussi à obtenir pour cette fondation, dont il est le président, de nombreux parrainages, comme celui d’EDF. Son credo, c’est « on fait des conneries et on verra après », une posture très dangereuse. Il a pour lui d’écrire dans un style compréhensible et accessible, mais sans se soucier de la réalité scientifique. Il a donc survécu à tous ses mensonges à propos du climat et des causes de son évolution.
Le travail continue ?
Plus que jamais. Le Giec est en train d’écrire la deuxième version de son rapport, qui sera publiée en 2013. Nous sommes en plein travail collectif pour être le plus rigoureux possible avant cette parution. Nous ne voulons pas laisser passer une seule erreur et nous ne communiquerons pas avant d’avoir tout vérifié. C’est notre meilleur moyen de répondre aux approximations et aux positions de principe des climatosceptiques.