La potion amère du PS
C’est sans enthousiasme et avec de faibles arguments que le gouvernement
veut contraindre ses parlementaires à ratifier le traité budgétaire européen.
dans l’hebdo N° 1217 Acheter ce numéro
Comment faire accepter ce qui, hier encore, était inacceptable ? La question taraude le gouvernement et la direction du PS. En cette rentrée, ils éprouvent toujours des difficultés à convaincre leurs troupes d’approuver le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire (TSCG). Un traité voulu et signé par Nicolas Sarkozy auquel François Hollande, lui-même, était opposé (voir encadré). Le 21 février, lors de la discussion sur le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (MES), Élisabeth Guigou avait eu des propos définitifs sur le TSCG, que les chefs d’État et de gouvernement s’apprêtaient à signer. « Ce projet de traité intergouvernemental ne répond pas à l’urgence, il n’est pas nécessaire, il est déséquilibré et il est antidémocratique », expliquait l’ancienne ministre aux Affaires européennes, qui s’exprimait au nom du groupe socialiste. Six mois plus tard, la « renégociation sérieuse » à laquelle le nouveau Président s’était engagé durant sa campagne n’a pas modifié le texte d’un iota. Jean-Marc Ayrault a beau prétendre que « le vote des Français a fait bouger les lignes » en permettant au Président d’obtenir un pacte de croissance, l’union bancaire et la taxe sur les transactions financières, le traité décrié est intact. Présidente de la délégation socialiste française au Parlement européen, Catherine Trautmann estime toujours que « ce traité est inutile et même dangereux par ses choix économiques » [^2]. Selon elle, les socialistes sont « tous d’accord : [ce traité] est inacceptable et contraignant ». Dans ce cas, pourquoi vouloir le ratifier ?
Plus rassurante, Catherine Trautmann prétend que le TSCG ne serait que temporaire : « En 2017, tout le monde se retrouvera pour intégrer ou non le traité dans le droit communautaire. Surtout, il risque (sic) de ne pas être appliqué. » Les socialistes pourraient donc le ratifier, comme ils votent dans leurs congrès des motions contre le cumul des mandats tout en rêvant ne jamais se les appliquer. Léger ! Cette étape, toute transitoire donc, est enfin, c’est le troisième argument, le premier acte de la réorientation de l’Europe dont le pacte de croissance encore fantomatique (voir p. 8) constituerait les prémices modestes, car obtenu dans un rapport de force encore défavorable. « Ce n’est pas parce qu’on a gagné les élections qu’on a la majorité sur le continent, explique encore Catherine Trautmann. On a une chance politique réelle de faire bouger les lignes en Europe et de lancer un débat sur les déficits. Mais il faut d’abord créer les conditions, et le traité en fait partie, même si c’est un gros truc amer à avaler. » La promesse n’est pas nouvelle. « Cette petite musique est la même que celle entendue [depuis Maastricht] à chaque fois que des réserves s’élèvent contre la ratification d’un traité européen », déplore sur son blog Pascal Cherki, un député de Paris membre du courant de Benoît Hamon. « Comme si la succession des briques libérales apposées sur la maison Europe allait conduire par “enchantement” ou par une ruse hégélienne de l’histoire à l’édification d’une Europe progressiste, voire socialiste, nous proposant en quelque sorte de voler d’échec en échec vers la victoire finale », ironise-t-il en confessant « être peu réceptif à cette dialectique constamment démentie par les faits. »
C’est toutefois cette promesse de lendemains plus roses qui justifie l’argument ultime des partisans du traité. Pour ne « pas affaiblir le président de la République et le Premier ministre dans la bataille qu’ils mènent contre les autres pays de l’Union, ceux qui ne pensent pas comme nous » (Bernard Cazeneuve), la majorité doit voter comme un seul homme la ratification du traité. Il y va de « l’intérêt de la France », renchérit Jean-Marc Ayrault, justifiant ainsi par avance l’obligation faite aux parlementaires du PS de respecter la consigne de vote qui leur sera donnée. Sous peine de représailles.
[^2]: Mediapart, 26 août, « Le traité «Merkozy» divise les socialistes ».
[^3]: « Est-ce que c’est le nirvana ? Non ! Est-ce que c’est un progrès considérable ? Oui ! », a déclaré, le 26 août, Arnaud Montebourg, qui, à notre connaissance, est bien le seul à parler de « progrès ».