L’argument catastrophique
Laurent Fabius prédit une crise en cas de rejet du TSCG. Mais son remède aboutirait à ce que le sort de la France se décide à Berlin.
dans l’hebdo N° 1220 Acheter ce numéro
Ancien tenant du « non » au traité constitutionnel européen, Laurent Fabius, devenu ministre des Affaires étrangères, est en première ligne pour inciter les parlementaires de la majorité à approuver le TSCG. Quitte à recourir à des arguments bien dangereux, comme à Dijon, le 19 septembre : « Le Mécanisme européen de solidarité [Il s’agit en fait du Mécanisme européen de stabilité (MES), NDLR] et l’intervention de la Banque centrale, des dispositions pour lesquelles nous avons lutté pendant longtemps, vont être possibles, à condition que l’on accepte le traité budgétaire. » Et Laurent Fabius de souligner que tout pays qui aurait besoin d’ « avoir recours au MES » ne pourra en bénéficier que s’il a préalablement « adopté le traité budgétaire ». Conclusion : « Imaginez que la France refuse l’ensemble du paquet, on sait que ce sera une crise, on sait qu’il y aura de la spéculation. Eh bien, il faut savoir que, si la France opposait un refus au traité budgétaire, elle n’aurait pas le droit de recourir au MES. » Elle ne pourrait pas non plus obtenir « que la BCE achète [ses] obligations sur le marché secondaire d’une façon illimitée » puisque la BCE exige d’avoir « auparavant présenté une demande au MES ».
Se placer dans l’hypothèse où la France aurait à recourir au MES, et à demander le secours de la BCE, est un argument assez périlleux. Pour ne pas dire spécieux. Laurent Fabius craint-il de voir la France se trouver bientôt dans la situation de l’Espagne, de l’Italie ou, pire, de la Grèce pour avoir appliqué la politique de rigueur budgétaire mise en œuvre par le gouvernement auquel il appartient ? Autant le dire franchement. Dans le cas où notre pays en serait rendu là, lui a fait remarquer la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, les fonds du MES seraient insuffisants, il faudrait les augmenter, ce qui, après le jugement de la Cour constitutionnelle allemande du 12 septembre, nécessiterait l’aval des députés allemands, ce qui veut dire que le sort de la France se déciderait à Berlin.