L’exemple vient (encore) de haut
dans l’hebdo N° 1217 Acheter ce numéro
La semaine dernière, si tu te rappelles : on se parlait, ici-même, de l’employé municipal qui avait, au début du mois d’août, tiré, à Aigues-Mortes (Gard), vers des jeunes gens trop « arabes » à son goût – non sans les agonir de senties insultes, en chœur avec sa compagne. Depuis, le mec a été condamné, en comparution directe, à quatre ans de prison pour coups de feu et propos racistes. Et que nous apprend le Midi libre, qui est le journal du coin ?
Midi libre nous apprend que cette condamnation a suscité dans Aigues-Mortes une « vive émotion », qui « s’est exprimée par des témoignages de sympathie » et qui, « relayée par le réseau social Facebook, pourrait déboucher sur la création d’une association » de soutien. Car : le canardeur, « qui a été sapeur-pompier pendant vingt ans, a reçu la médaille communale et a notamment sauvé un enfant de la noyade, est honorablement connu et appartient à une grande famille d’Aigues-Mortes ». Et donc : c’est franchement pas cool, de lui infliger une si lourde peine de prison au fallacieux prétexte qu’il a tiré sur des bougn… Qu’il s’est un peu emporté (ces Arabes font vraiment chier, hein, Lucien ?). Et d’ailleurs *: « Au-delà de la gravité des faits jugés, les proches du tireur assurent que celui-ci n’est pas raciste. »*
Et bien sûr : comme nous avons encore un peu plus d’un pied dans la vraie vie, nous sommes portés, quand nous lisons cela, par la tentation de nous pincer un peu fort, pour nous assurer que nous ne rêvons pas. Mais cette assertion des « proches du tireur » ne devrait pas du tout nous surprendre.
Que s’est-il en effet passé, rappelons-nous, quand un écrivain décomplexé a déploré, il y a quelques années, dans je ne sais plus quel tome de son journal, qu’il y eût à certaines heures plus de « collaborateurs juifs » qu’il ne pouvait le supporter à l’antenne de France Culture, « poste national », et s’est désolé de leur « surreprésentation » ? Il s’est passé qu’un réputé penseur de médias – l’un de ces philosophes dont l’éditocratie aime prendre l’avis sur tout – a tout de suite juré que le gars n’était pas du tout phobique, voyons, mais qu’il était plutôt courageux, parce que bon, mâme Dupont, faut des couilles d’un fort tonnage pour oser se confronter si directement à la bien-pensance antiraciste. (Après quoi le même commentateur, filant ses obsessions, a fini – assez logiquement – par se demander si des fois les antiracistes n’étaient pas, eux, un peu racistes pour le coup ? Et aussi un peu staliniens sur les bords – à vouloir empêcher qu’on puisse librement constater que les Juifs ou les Noirs sont des fois un peu invasifs ?)
Lorsqu’ils soutiennent, après qu’il a fait sa petite ratonnade, que le tireur d’Aigues-Mortes n’est pas raciste, ses proches récitent en somme une leçon tombée des sommets où des clercs spécialisés dans le travestissement de la réalité trouvent si souvent – c’est curieux – des circonstances atténuantes à la haine de l’Autre : une fois de plus, l’exemple vient de haut.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.