Marseille quartiers nord : Un vain combat
Les quartiers nord de Marseille sont surtout victimes d’un désengagement politique.
dans l’hebdo N° 1217 Acheter ce numéro
Ils ont été décrétés « zone de sécurité prioritaire » (ZSP) dès la fin du mois de juillet. Après la mort d’un homme de 25 ans sous les tirs d’une kalachnikov, les quartiers nord de Marseille préoccupent à nouveau le ministère de l’Intérieur et deviennent le terrain privilégié de la mise en place d’une des quinze ZSP programmées. Si la feuille de route rédigée par Manuel Valls annonce des moyens supplémentaires pour la police locale et une concertation avec les acteurs du secteur, le problème marseillais dépasse pourtant la simple problématique sécuritaire. Karima Berriche, sociologue, dirige le centre social L’Agora, dans le XIIIe arrondissement de la ville, depuis près de dix ans. Elle n’a pas attendu ce nouveau meurtre en pleine rue pour se rendre compte de la situation de « relégation sociale et urbaine » du territoire où elle travaille. Depuis des années, la situation économique des habitants se dégrade. « Pour s’inscrire aux activités du centre, certaines personnes nous demandent d’attendre pour encaisser leur chèque de 17 euros, explique Karima Berriche. Aujourd’hui, la fin du mois commence dès la deuxième semaine. » Alors qu’un comité interministériel se tiendra le 6 septembre pour évoquer le « cas marseillais », les habitants des quartiers nord ont depuis longtemps fait le deuil des politiques publiques. Le jeu de chaises musicales des élus locaux, les effets d’annonce après l’émoi du fait divers et le lancement de projets de renouvellement urbain n’ont pas fait bouger les choses. « Bien sûr que tout cela est pesant, poursuit Karima Berriche. Mais, comme la pauvreté, le trafic de drogue fait partie de notre réalité. Nous sommes obligés de composer avec lui. »
Pour la sociologue, l’intervention de l’armée – souhaitée par la sénatrice PS Samia Ghali – désavouerait le travail mené par les forces de l’ordre et placerait les trafiquants de drogue sur le même pied qu’ « un envahisseur étranger ». « Les élus se trompent de combat. La drogue n’est qu’un symptôme du malaise des quartiers nord. La véritable maladie, c’est le chômage. » Des jeunes qui veulent trouver un emploi, L’Agora en voit défiler tous les jours. Parfois, ce sont les mêmes qui vivotent de petits deals à quelques rues de là. « Ce sont des gamins qui ont des rêves, qui ont envie de s’en sortir, lance Karima Berriche. Mais c’est tellement difficile quand on dispose d’un réseau social quasi inexistant, d’un bagage culturel faible et qu’on porte un nom à consonance étrangère. »