PS : Le congrès inutile
Après les primaires ouvertes de 2011, la cooptation d’Harlem Désir à la tête des socialistes marque le verrouillage de l’appareil du parti.
dans l’hebdo N° 1219 Acheter ce numéro
Un mois et demi avant son épilogue, prévu le dimanche 28 octobre, à Toulouse, le congrès du Parti socialiste s’est joué dans la nuit du 11 au 12 septembre. Au petit matin, c’est par un communiqué commun de Martine Aubry et de Jean-Marc Ayrault que les militants et la presse ont appris qu’Harlem Désir avait été choisi pour succéder à la maire de Lille à la tête du PS. « Guillaume Bachelay en sera le numéro deux », annonçait également le même texte. Peu après, on apprenait du Premier ministre que deux jeunes députés, Olivier Faure, son conseiller politique, et Karine Berger, secrétaire nationale à l’économie, proche de Pierre Moscovici, feraient également partie de l’équipe. Comme adjoints au porte-parole David Assouline, dont la maire de Lille a souhaité qu’il conserve ses fonctions, a fait savoir un proche de Mme Aubry. Le conseil national d’enregistrement des motions n’était même pas achevé que les journalistes, maintenus à distance, avaient déjà obtenu, de multiples « sources bien informées », la distribution des postes clés de la rue de Solferino, comme le secrétariat aux élections ou la trésorerie, qui resteront entre les mains de Christophe Borgel et de Régis Juanico… Plus piquant, les négociateurs de plusieurs « écuries » détaillaient le nombre de places promises à chacun de ceux qu’on n’appelle plus les « éléphants » dans le conseil national de 204 sièges prochainement élu à Toulouse.
Un congrès socialiste a traditionnellement deux fonctions : définir une orientation politique à l’issue d’un long débat contradictoire à tous les échelons du parti ; élire une direction qui reflète le poids des différentes tendances, mesuré par un vote de l’ensemble des militants à l’issue du débat d’orientation. Avec le dépôt de cinq motions, les apparences d’une démocratie militante sont préservées. En réalité, le rassemblement des poids lourds susnommés sur une motion commune étouffe toute véritable discussion. L’affaire est tellement bouclée que Mme Aubry, anticipant sur le vote des militants les 11 et 18 octobre, n’a attendu que vingt-quatre heures avant d’annoncer qu’elle cédait son bureau à Harlem Désir. Lequel assure désormais l’intérim jusqu’à ce que les adhérents confirment par leur vote sa désignation comme Premier secrétaire. Ce mode de désignation vaticanesque et la régression démocratique qu’elle traduit découlent en partie du présidentialisme de la Ve République, qui pousse l’hôte de l’Élysée à s’assurer d’une majorité en façonnant son parti de godillots. Contrairement à ses dires, François Hollande est intervenu pour imposer Harlem Désir contre Jean-Christophe Cambadélis qui avait la préférence de Mme Aubry et M. Ayrault. C’est avec le Président que les amis de M. Hamon assurent avoir passé un « accord politique » garantissant leur bonne représentation dans les instances du PS contre le renoncement à présenter leur motion. La transformation du congrès, moment d’expression de la démocratie militante, en une chambre d’enregistrement est aussi la conséquence du recours aux primaires ouvertes pour le choix du candidat à la présidence de la République. Et c’est une erreur d’opposer cet exercice démocratique avec ses trois millions d’électeurs, à la cooptation du patron du PS à trois dans un bureau. Car plus un parti s’ouvre à tous les vents de l’extérieur (choix fait par le PS), plus il a besoin d’être verrouillé en son centre pour maintenir ce qu’il estime constituer son identité. Dans un tel parti, les congrès deviennent des rendez-vous inutiles.