Qu’attendre des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche ?

Les orientations des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, organisées au mois de novembre, viennent d’être publiées. Elles sont jugées « insuffisantes », voire inquiétantes par les associations.

Florent Lacaille-Albiges  • 7 septembre 2012 abonné·es
Qu’attendre des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche ?

Deux mois avant le grand raout, les Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche peinent à convaincre. Quelques jours après l’ouverture du dépôt des contributions, le 3 septembre, beaucoup craignent de ne pas faire partie du tour de table.

Vingt et une associations, membres pour certaines du Forum mondial sciences et démocratie, ont décidé d’écrire début juillet à la ministre pour être associées à la réflexion. Deux semaines plus tard et après plusieurs rappels, elles ont obtenu un rendez-vous pour septembre avec deux membres du cabinet de Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. « Nous allons y aller, mais ce n’est pas ce qu’on souhaitait, déplore Claudia Neubauer, déléguée générale de la Fondation Sciences Citoyennes. Aucun d’entre nous n’a été sollicité pour faire partie du comité de pilotage et aucune des associations de la société civile n’a été invitée pour être auditionnée ! En dehors du monde de la recherche, les seuls acteurs interrogés sont les entreprises. »  

« Il y a une démarche positive : l’ouverture d’un vrai dialogue. Mais les seuls interviewés sont les institutionnels traditionnels, pas la société civile », constate Élie Faroult, vice-président des Petits Débrouillards. « Ce qu’il faudrait, c’est un processus où le monde de la recherche pourrait exprimer ses intérêts, mais avec également un regard et des contributions d’acteurs de la société civile », ajoute Lionel Larqué, directeur adjoint des Petits Débrouillards.  

« Contexte budgétaire serré » 

Le manque d’engagements – ou de moyens d’après le ministère – pèse également sur le débat. La précédente majorité avait débloqué 7,7 milliards d’euros pour lesquelles les universités étaient mises en concurrence. 8 « Initiatives d’excellence » (Idex) ont été retenues par le ministère de la Recherche, sur 17 candidatures, créant de fortes inégalités territoriales. « Nous espérions un moratoire sur les Idex pendant la durée des Assises , explique Emmanuel Saint-James, président de Sauvons la recherche. Nous attendions aussi des signaux sur l’emploi scientifique : titularisation des vacataires, ouverture de postes… Mais rien de tout ça n’a été annoncé par le ministère. » Le collectif né en 2003 revendique la suppression de l’AERES (Agence d’Évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur) et une révision profonde du fonctionnement et des budgets de l’ANR (Agence nationale de la recherche). Les deux agences – respectivement comparées à une agence de notation et à une agence d’intérim – sont tenues pour responsables de la précarisation et du flicage de la recherche scientifique. 

« L’ensemble du paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche a connu de profonds bouleversements depuis 15 ans, répond Yves Lichtenberger, ancien président de l’université de Marne-la-vallée et co-auteur en 2011 d’un rapport sur l’enseignement supérieur et la recherche pour Terra Nova. Aujourd’hui il s’agit de donner une cohérence d’ensemble en complétant ce qui existe déjà et en corrigeant ce qui a été fait de travers ; le tout dans un contexte budgétaire serré. » C’est dans cet objectif que le ministère a défini trois thématiques : la réussite des étudiants, la réorganisation de la recherche et la révision des politiques de gouvernance. 

Mais le choix des thématiques est également contesté. Le programme est trop centré sur le monde universitaire et de la recherche, sans un mot sur les rapports entre sciences et société : « Les réflexions sur la façon de faire de la recherche ou la place de la recherche dans la société ne sont pas évoquées », se désole Claudia Neubauer. « Le gouvernement a raison de vouloir pacifier le milieu, mais il rate un tournant historique d’une évolution des politiques de recherche » , ajoute Lionel Larqué, pour qui les enjeux fondamentaux sont les nouvelles formes de production de connaissances et le rapport des jeunes au savoir. « On entend toujours qu’il y a une perte de confiance dans la science, mais c’est faux ! Les chiffres montrent que les citoyens font confiance aux chercheurs (bien plus qu’aux partis politiques, aux médias ou aux syndicats), ils sont simplement plus critiques. Et dans le même temps, il y a une montée en puissance des sciences participatives, des sciences citoyennes et des sciences coopératives. C’est le chantier d’aujourd’hui dont ne s’emparent pas les assises », explique-t-il. 

« Équation simpliste » 

Pour le ministère, l’enjeu principal est d’aller vers une « société de la connaissance ». Il s’agit de « mieux former les citoyens et les travailleurs à appréhender les technologies et à créer de l’innovation, explique Yves Lichtenberger *. C’est important dans notre société où le moteur de la croissance est la création de choses originales et nouvelles. »* Une ambition jugée largement incomplète par les Petits débrouillards et la Fondation sciences citoyennes, qui critiquent l’absence de changement entre la vision de la recherche de ce gouvernement et celle des gouvernements précédents.  

« Pendant la campagne, on a cru que quelque chose se jouait sur le rapport au savoir et à la connaissance. Mais finalement quand Jean-Marc Ayrault parle de recherche, il parle encore d’innovation et de compétitivité. Le gouvernement réitère l’équation simpliste recherche = innovation = compétitivité » raconte Lionel Larqué. Pourtant depuis 15 ans, des travaux sur le « tiers secteur scientifique » sont menés par des conseils régionaux dirigés par des membres du Parti socialiste (comme en Île-de-France et en Bretagne). Le tiers secteur scientifique, c’est l’appellation qui couvre l’ensemble de ces expériences menées en coopération entre chercheurs et citoyens. Pour Lionel Larqué, il semble qu’on occulte toutes les avancées et les débats fructueux qui se sont tenus sur le sujet. Difficile à admettre quand cela vient d’un candidat qui avait fait de l’éducation, la culture, la recherche, la jeunesse et la formation ses cinq priorités de campagne ! 

Alors qu’attendre des assises de l’enseignement supérieur et de la recherche ? « Je mettrai en avant trois choses : plus de reconnaissance pour l’enseignement, une meilleure cohérence dans l’empilement de dispositifs, et une nouvelle répartition des rôles dans la gouvernance des universités », répond Yves Lichtenberger. En revanche pour Emmanuel Saint-James, « il n’y aura pas de changements, juste quelques modifications. » Claudia Neubauer ajoute : « Geneviève Fioraso va peut-être revenir un peu sur les réformes Sarkozy. Mais sur le fond, rien ! ». Et Lionel Larqué prévoit : « Pendant les assises, ils toucheront peut-être au management, mais le leitmotiv d’économie de la connaissance ne sera pas remis en cause. Or il y a désormais une perspective nouvelle au-delà de la recherche d’exportation. »

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