Santé : Au secours de l’Hôtel-Dieu
Face au démantèlement programmé de l’hôpital parisien, les syndicats attendent le soutien de Marisol Touraine, qui mettrait ainsi en pratique son « pacte de confiance » avec le personnel soignant.
dans l’hebdo N° 1219 Acheter ce numéro
L’avenir de l’hôpital parisien de l’Hôtel-Dieu est incertain. Depuis près d’un an, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) entend faire de cet établissement à l’adresse prestigieuse – 1, place du Parvis-de-Notre-Dame – un fleuron de l’innovation. Mais de quelle innovation parle-t-on ? En établissant un « hôpital universitaire de santé publique », l’AP-HP veut recentrer l’activité du lieu autour de trois fonctions : une offre de soins de proximité de secteur 1 (aux tarifs conventionnés) sans hospitalisation, un pôle d’enseignement et de recherche, et l’accueil du siège de l’AP-HP, dont les bureaux historiques sont situés avenue Victoria, derrière l’Hôtel-de-Ville. Il est prévu que la vente de ces bâtiments, estimés à 150 millions d’euros, finance en grande partie le projet, si toutefois l’ensemble ne subit pas une décote en raison de la nécessité de construire des logements sociaux dans ce secteur.
Pour laisser la place au pôle administratif, cet hôpital sera sans lits et bien des services devront rejoindre les établissements alentour. L’hôpital Cochin, par exemple, accueillera le service d’ophtalmologie dans des bâtiments provisoires. « Ce projet est une ineptie médicale et financière, s’insurge Gérald Kierzek, médecin urgentiste. Tous les investissements réalisés ces cinq dernières années vont être jetés à la poubelle. » Les couloirs de l’Hôtel-Dieu sont en effet loin d’être décrépits. Les urgences, qui accueillent près de 120 000 personnes chaque année, ont été rénovées il y a à peine quatre ans. « L’Hôtel-Dieu dispose d’une position stratégique. Il est le seul implanté au cœur de Paris, à l’intersection des lignes de métro et de RER », explique Olivier Cammas, responsable de l’Usap-CGT. Des associations de lutte contre le sida ont rejoint les syndicats dans les rangs de la contestation. Une forte population à risque se concentre en effet dans le quartier du Marais, en face de l’île de la Cité. « Beaucoup de travailleurs du sexe se rendent à l’Hôtel-Dieu pour obtenir des traitements post-exposition qui doivent être pris le plus tôt possible. La fermeture des urgences retardera ces consultations », déplore Arthur Vuattoux, vice-président d’Act Up. Pour stopper le projet, qui avance loin de toute concertation – le service d’hématologie a déjà été transféré à l’hôpital Saint-Antoine –, les syndicats comptent sur la nouvelle ministre de la Santé. Le 7 septembre, Marisol Touraine s’est présentée comme le héraut de l’hôpital public et s’est engagée « à établir un pacte de confiance avec l’ensemble du personnel du monde hospitalier ».
En se prononçant contre la restructuration de l’Hôtel-Dieu, la ministre marquerait fermement son engagement pour un hôpital de service public. Car, au-delà des enjeux locaux, le conflit qui se joue dans cet établissement est emblématique d’une fracture induite par la loi HPST. La médecine de proximité ne peut pâtir d’une gestion managériale des hôpitaux. Or, pour légitimer son projet, Mireille Faugère, directrice générale de l’AP-HP, avance l’argument économique. Rénover l’ensemble des services présents coûterait près de 230 millions d’euros. « C’est une absurdité. Ce chiffre se fonde sur un plan stratégique qui date de 2010 et qui devait permettre à l’Hôtel-Dieu de devenir un hôpital ambulatoire phare », s’agace Gérald Kierzek. Au regard du calendrier fixé par l’AP-HP, les syndicats doivent agir vite : le 18 septembre, le directoire se réunira à huis clos pour statuer sur la fermeture des urgences de l’établissement. Reçue par deux conseillers de la ministre jeudi 13 septembre au matin, la CGT s’est invitée le soir même à l’inauguration du centre de traitement des brûlés de l’hôpital Saint-Louis. Au cours de la visite, Rose-May Rousseau, secrétaire générale de l’Usap-CGT, a interpellé Marisol Touraine. « Elle m’a promis une entrevue. Je vais pouvoir lui expliquer les conséquences réelles de ce projet », lance-t-elle entre satisfaction et inquiétude. Le compte à rebours est lancé. Une position d’attente du ministère équivaudrait à un désengagement.