Ivan Rioufol se fâche tout bleu
dans l’hebdo N° 1223 Acheter ce numéro
Ivan Rioufol, prédicateur vendredique au Figaro de Serge Dassault (de l’UMP), n’est pas content. C’est souvent, me diras-tu – et tu auras raison : le gars est d’un naturel qui le fait s’irriter pour un rien. (Surtout si ce rien est de religion musulmane.) Mais là, vraiment : il est fâché tout bleu.
Car le quotidien* Libération (qui, vu par Rioufol, donne l’impression d’être quelque chose comme une déclinaison hardcore de la défunte Humanité nouvelle ) a publié un papier narrant que les radios généralistes françousques s’étaient récemment équipées en chroniqueurs de droite – dont Rioufol himself. Et cela n’est pas déniable : même un enfant de trois ans peut très facilement constater qu’il est beaucoup plus fréquent de se cogner, aux détours du paysage médiatique hexagonal, dans Natacha Polony que dans, disons, Olivier Cyran – et totalement impossible de rester plus de deux jours sans se fader un prêche d’Éric Zemmour ( le Figaro, Paris Première, RTL…), qui est une espèce de réseau social à lui tout seul.
Mais ce constat ne fait du tout les affaires de Rioufol, qui se targue d’être un « réactionnaire », et qui, partant, voudrait plutôt qu’on le perçoive comme une espèce de lonesome cow-boy contraint de se réfugier, pour s’exprimer, dans les marges de la société médiatique – un peu comme feu Gaulle, quand Radio-Londres l’hébergeait.
Car en effet, c’est à cela, principalement, que se reconnaissent, les gens comme lui – clercs d’époque spécialisés dans la « pensée » de comptoir : ils ont un rond de serviette dans la presque totalité des rédactions parisiennes (où des patrons dignes ont de longue date mesuré que leurs saillies phobiques dopaient l’audience, et l’annonceur), mais passent le plus clair de leur temps à geindre qu’« on » veut les museler. Dans cette exigeante discipline, Zemmour excelle – qui ne reste jamais plus de quarante-huit heures sans délivrer dans des endroits qui ne sont pas exactement des fanzines keupons ou des radios pirates ses roides prédications – mais qui, nonobstant, se plaît à se considérer comme un réprouvé, ou un « dissident [^2] ». Car s’il ne s’encoignait pas dans cette grotesque pose victimaire, son application à dire tout haut ce que disent aussi les ministres de l’Intérieur qui depuis cinq ans se succèdent place Beauvau risquerait d’apparaître pour ce qu’elle est : un « anticonformisme » très tempéré (mais coquettement rémunéré par le si conoclaste M. Dassault…).
De même, si le colérique Rioufol cessait soudain de geindre qu’on attente à sa libre parole, même son lectorat pourrait finalement remarquer qu’il annonce, dans le même billet où il exhibe cette pleurnicherie, qu’il sera tout de même, le lendemain, sur LCI, puis chez RTL… See what I mean ?
[^2]: De sorte qu’il nous faut oublier tout ce que nous croyions savoir de feu Sakharov – et considérer qu’il fut, dans la Russie soviétique, une espèce de star du micro dont les grands médias s’arrachaient la verve.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.