Pour une BCE au service des peuples et non des marchés

Guillaume Etievant  • 11 octobre 2012 abonné·es

Le 6 septembre dernier, le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, a annoncé l’adoption, à l’unanimité moins une voix, d’un programme de rachat de titres de dettes souveraines sur le marché secondaire. Ce dispositif, appelé Outright Monetary Transactions (OMT), a été immédiatement salué par les marchés financiers. On le comprend aisément : les mesures annoncées par Draghi vont encore une fois dans le sens de l’austérité et maintiennent la BCE dans son obsession monétariste.

Les institutions financières ont maintenant l’assurance que ces titres trouveront dans tous les cas un acheteur. Les marchés financiers pourront ainsi continuer à se refinancer à un taux dérisoire auprès de la BCE et à prêter aux États à un taux nettement supérieur tout en ayant la garantie de pouvoir s’en débarrasser au cas où. Loin de sortir les États de l’emprise de la finance, ce mécanisme en préserve la domination. La BCE n’a même pas fixé de taux d’intérêt maximum au-delà duquel elle interviendrait, ce qui aurait au moins freiné la spéculation. De plus, le rachat sur le marché secondaire de titres d’une maturité d’un à trois ans est conditionné à l’acceptation, par les pays qui souhaiteraient en bénéficier, des programmes d’ajustements fiscaux et budgétaires du Fonds européen de stabilité financières (FESF), bientôt remplacé par le Mécanisme européen de stabilité (MES). Bref, pour être « sauvés », les États de la zone euro devront perdre leur souveraineté au profit de la troïka et s’engager dans des politiques de coupes sociales massives.

Ces mesures vont amplifier le vent d’austérité qui est en train de laminer les peuples européens et donc plonger toute l’Europe dans la récession, ce qui aggravera les déficits en diminuant les recettes des États. La BCE continue à refuser de réformer sa politique absurde, tout en étant consciente du risque d’explosion de la zone euro. Elle se maintient dans un entre-deux dévastateur : elle pousse les États européens dans davantage de rigueur et en parallèle elle accepte d’intervenir sur le marché secondaire pour préserver l’euro. Elle veut stabiliser les marchés obligataires tout en restant asservie aux intérêts de la rente financière, et donc de la classe dominante. On ne peut à la fois vouloir garantir les patrimoines financiers privés et satisfaire l’intérêt général. Les choix de Mario Draghi sont, depuis sa prise de poste à la tête de la BCE en novembre 2011, tout entiers tournés contre les peuples européens.

La BCE devrait pourtant se résoudre à l’évidence : l’austérité généralisée provoquera, à court ou à long terme, l’explosion de la zone euro. Si elle veut maintenir la monnaie unique européenne, les statuts et les pratiques de la BCE doivent être réformés. Il y a urgence. Les pouvoirs politiques doivent en reprendre le contrôle et la BCE doit pouvoir intervenir sur le marché primaire en prêtant directement aux États. Cela peut se faire sans risque macroéconomique, comme le démontrent les politiques d’assouplissements quantitatifs (Quantitative Easing 3) de la FED (Réserve fédérale des États-Unis) en ce moment et les actions de la BCE elle-même, qui n’hésite pas à prêter 1 000 milliards aux banques en quelques mois sans s’inquiéter le moins du monde d’un éventuel impact inflationniste.

La volonté américaine de monétiser la dette pour doper la demande en créant un afflux de liquidités se heurte toutefois au mur d’une crise marquée aussi par un fort endettement privé : malgré cette politique volontariste, le chômage ne faiblit pas aux États-Unis. Preuve que si la politique monétaire est importante, elle est loin de suffire et ne peut être l’unique réponse à la crise systémique que nous connaissons. Pour sortir de la crise, il faut donc également en finir avec les politiques d’austérité, remettre la finance à sa place par des réglementations très fortes des pratiques financières et mener à l’échelle européenne une relance budgétaire coordonnée permettant de satisfaire les besoins sociaux et d’entamer la transition écologique. Tout l’inverse, donc, du TSCG (Traité sur la stabilité, la coordination et de la gouvernance) et de son pathétique « pacte de croissance », dont la ratification par le gouvernement français constitue une faute historique qui nous condamne à l’austérité.

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