À contre-courant / Compétitivité ad nauseam

Geneviève Azam  • 8 novembre 2012 abonné·es

Alors que nous vivons un moment historique, avec l’explosion convergente de crises latentes depuis plusieurs décennies, la cuisine économique nous sert les mêmes menus avec entrée et dessert obligatoires : austérité et compétitivité. Le rapport Attac-Copernic en déconstruit méticuleusement les principes, les hypothèses et les conséquences.

Mais revenons-y encore. Se prenant pour l’aristocratie du monde, l’Europe, France en tête, a misé sur les services et sur « l’économie de la connaissance » pour asseoir sa puissance économique, l’industrie – en particulier la plus polluante – pouvant désormais être reléguée aux aspirants nouveaux riches, ateliers du monde. L’avenir d’une économie de pointe, dématérialisée, propre, semblait assuré. Mais le réel refait surface avec la désindustrialisation, accompagnée d’une dépendance accrue aux ressources naturelles et fossiles, un comble pour une économie qui se voulait immatérielle. Pour la France, et elle n’est pas seule dans l’Union, la facture pétrolière a plus que doublé entre 2009 et 2011 (de 5,9 à 12,2 milliards d’euros) ; l’importation nette de combustibles fossiles et autres ressources non renouvelables a atteint 60 milliards entre 2010 et 2011 [^2]. C’est un vrai marasme qui déséquilibre les comptes extérieurs, dément la fable de l’indépendance de la France et exige une véritable transition énergétique. La stratégie du choc de compétitivité fait mine d’ignorer cette situation qui n’épargne personne en Europe, y compris l’Allemagne, aux excédents légendaires mais amputés depuis plusieurs années de l’augmentation des coûts des matières premières importées. « La classe de Davos » – ainsi nommée par Susan George – appelle à la mobilisation générale pour renouer avec une croissance industrielle tirée par une compétitivité des prix à l’exportation, obtenue grâce à la compression du seul coût estimé compressible, le coût du travail. Les politiques d’austérité excluent en effet une croissance par la demande interne, c’est donc aux exportations de remplir les caisses en dégageant un excédent commercial. On reconnaît là un ersatz de mercantilisme, qui consiste à mener des guerres marchandes et à espérer croître en gagnant sur d’autres des parts de marché. Le commerce étant un jeu à somme nulle, habillé du libre-échangisme le voilà devenu jeu pacifique à somme positive, et dans lequel tout le monde gagne et croît ! Une sorte de compétitivité altruiste ?

Ce jeu à somme positive ne peut exister dans un monde fini, aux ressources essentielles non reproductibles. La croissance temporaire des uns ne peut entraîner celle des autres, elle se fait à leur détriment car la pression sur les ressources est si forte que les prix et les coûts s’envolent. Compétitivité, guerre sociale, guerre commerciale découlent du refus d’admettre la fin de l’expansion économique globale, avec la disparition des énergies fossiles et des ressources à bon marché, des inégalités devenues insoutenables, de l’accumulation insensée de dettes odieuses. Ce n’est pas l’imagination qui est ici requise, mais le retour à la réalité du monde. 

[^2]: Source Eurostat, rapport Die Grünen (2012), http://greennewdeal.eu/index.php?id=722

Économie
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