Bricorama devra fermer le dimanche
Condamnée pour ouverture illégale, l’enseigne de bricolage crie à l’injustice.
dans l’hebdo N° 1226 Acheter ce numéro
Voilà un jugement qui pourrait remettre en cause la loi sur le travail du dimanche. Le 31 octobre, la cour d’appel de Versailles a entériné la décision du tribunal de grande instance de Pontoise du 6 janvier dernier, interdisant à l’enseigne Bricorama d’ouvrir trente-deux de ses magasins de bricolage en Île-de-France. Le 9 novembre, selon l’arbitrage du juge de l’exécution, la société, dont les bénéfices s’élevaient à 24,1 millions d’euros en 2011, pourrait être condamnée à verser un peu plus de 18 millions d’euros d’amende. Une décision qui menacerait, selon la direction, près de 500 emplois et pourrait provoquer la fermeture de cinq ou six magasins, alors que Bricorama emploie aujourd’hui 2 614 salariés dans ses 95 magasins français. La Fédération des employés et cadres de Force ouvrière (FEC-FO), à l’initiative du recours en justice, s’est félicitée du verdict, rappelant que, depuis des mois, « la société, sans jamais respecter la loi, a préféré organiser une vaste campagne de lobbying ». Le 14 octobre, l’enseigne avait créé la surprise en envoyant 200 « boîtes à outils législatives » aux parlementaires pour tenter de les convaincre du bien-fondé de l’ouverture de ses magasins le dimanche.
Mais la condamnation de Bricorama n’est pas une simple affaire judiciaire, elle met aussi en cause la loi « Mallié », qui régit le travail du dimanche. Depuis 2009, elle a élargi les possibilités de dérogation au repos dominical dans les zones touristiques et dans les périmètres d’usage de consommation exceptionnel (Puce). Un statut dérogatoire délivré par les préfets, que la plupart des magasins concurrents à Bricorama ont obtenu sans peine. Devant cette situation, contre laquelle s’insurge un porte-parole de la société dénonçant un « favoritisme » en fonction du poids économique des enseignes, Jean-Claude Bourrelier, PDG de l’entreprise, a assuré qu’il souhaitait engager des actions contre douze magasins Castorama ainsi que douze Leroy Merlin d’Île-de-France qui, selon lui, sont eux aussi ouverts illégalement. En attendant, Bricorama a demandé aux préfets de « réévaluer leurs décisions de dérogations exceptionnelles ». Pour Jean-Paul Gathier, délégué central FO, cette situation n’est pas le fruit du hasard : « Sous le poids de l’ancienne majorité, favorable au travail le dimanche, les préfets ont probablement accordé plus d’autorisations à ces grandes enseignes qui pèsent 60 à 70 % du marché du bricolage.»
Tous ouverts ou tous fermés ? C’est la question qui devrait désormais se poser au législateur. Hugues Bastat, représentant syndical à la CGT, craint que cette guerre économique n’aboutisse à une « généralisation de l’ouverture des magasins le dimanche ». Un débat déjà tranché pour Kamel Remache, délégué central FO Bricorama : « Si les salariés étaient payés un peu plus que le Smic en travaillant uniquement la semaine, la question du travail du dimanche ne se poserait pas. » Et celui-ci de s’insurger contre l’idée d’un travail effectué sur la base du volontariat : « Ce débat crée des tensions entre les salariés, certains ont peur de refuser sous peine de se retrouver au chômage ». Bien qu’interpellé par le patron de Bricorama, le gouvernement ne semble pas vouloir, pour le moment, intervenir sur cette question qui divisait encore il y a quelques mois le Parti socialiste.