En maraude avec Médecins du monde
Chaque soir, des bénévoles tentent de soulager la détresse des sans-abri.
Nous les avons conduits auprès des personnes qui campent sous le périph.
dans l’hebdo N° 1226 Acheter ce numéro
Chaque soir, une équipe de Médecins du monde parcourt lentement Paris pour repérer les SDF en détresse. Hommes et femmes transis, familles errantes blotties sur une place ou dans une encoignure de porte. Un médecin bénévole distribue un peu de café ou de thé et quelques vêtements pour atténuer la morsure du froid, avant de téléphoner au centre d’urgence qui pourrait les héberger. Ce soir-là, alors que la température baisse rapidement, plus de place nulle part : le 115 renvoie vers les commissariats. Une démarche difficile pour ceux qui n’ont pas de papiers. Graciela Robert, bénévole d’origine argentine, assistante sociale dans un centre psychiatrique pour ados, et Guy Pons, médecin en maraude humanitaire le soir, après ses consultations, font souvent équipe pour tenter d’alléger cette misère humaine qui submerge Paris. Atterrés par la progression du nombre de personnes, Français et étrangers, qui dorment dans la rue, ils appréhendent un hiver difficile au vu de leurs moyens et de ceux des associations qui patrouillent au quotidien dans la capitale. Et ne peuvent que constater leur impuissance face à une véritable marée des besoins.
Pour cette maraude-ci, nous guidons Graciela et Guy vers un camp précaire de Roms, dissimulé le long de la bretelle qui monte vers le périphérique à la porte de Saint-Ouen. Ils découvrent avec effarement la carte que nous avons établie après deux semaines de circulation sur l’autoroute urbaine qui enserre la capitale. Le camp que nous allons visiter ensemble leur est inconnu. Car, comme beaucoup d’autres, il est quasiment inaccessible, caché derrière des taillis. Il faut marcher en direction de la voie d’accès qui grimpe vers le périph pour le découvrir. Là, survivent entre 70 et 80 Roumains, tous originaires d’un village situé près de Brasov, ville minière au nord de Bucarest. Des femmes, une dizaine d’enfants, un nourrisson que sa mère berce à l’orée d’une tente ouverte au froid et à la pluie. Lors de notre incursion au milieu de la soirée, la plupart des hommes sont partis faire les poubelles de l’arrondissement. Pour y trouver à manger et des bricoles à revendre dans les marchés de la misère qui s’étendent le long des trottoirs du quartier. Les vingt-cinq abris de toile du camp sont pour le moment à moitié vides, les adolescents sont de garde pour protéger ceux qui restent. Il vient de pleuvoir, la température baisse rapidement, et les vieilles tentes recouvertes de plastiques n’offrent qu’une protection illusoire, surtout quand la pluie s’éternise. Dans la journée, les lieux débordent d’une population désœuvrée qui n’a rien d’autre à faire qu’à espérer des jours meilleurs. Quelques jours plus tôt, sortant à vélo d’un sentier étroit qui longe la rampe d’accès, une femme, Honni, la trentaine fatiguée, nous racontait ses petits boulots, la brutalité de ses rares employeurs et ses tournées des grandes surfaces pour récupérer de la nourriture périmée. Un de ses compagnons descend quelques minutes plus tard, poussant difficilement un chariot qui s’embourbe sous le poids de son contenu. Il en a marre, décidé à repartir au pays : « Je reviendrai au printemps, nous sommes trop nombreux dans Paris. » D’autres, au contraire, expliquent : « Chez nous, en Roumanie, il fait encore plus froid. »
Guy, Graciela et Tristan, le logisticien, ne savent pas quoi faire pour répondre aux demandes de médicaments. « On évite de soigner dans la rue ou dans ces camps, on préfère orienter les gens, avec une lettre explicative, vers les hôpitaux ou notre centre de consultation de jour ; notre rôle n’est pas de fixer les gens dans leur situation précaire. » Deux jeunes volontaires de l’association Au cœur de la précarité surgissent avec des provisions et des couches. Distribution difficile, car il n’y en a pas pour tout le monde. Ils promettent de revenir bientôt, comme l’équipe de Médecins du monde.