Les écologistes sur le fil
Après les opérations musclées menées contre les opposants à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, EELV critique l’action du Premier ministre, sans remettre en cause sa présence au gouvernement.
dans l’hebdo N° 1226 Acheter ce numéro
On avait jusque-là peu entendu la voix des ténors d’Europe Écologie-Les Verts (EELV), alors que les gardes mobiles s’élançaient à nouveau, la semaine dernière, contre les occupants illégaux de la zone pressentie pour l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, à 30 km au nord de Nantes. Avec cette vague d’assauts, plus violente que les précédentes [^2], les langues se sont déliées. « Incompréhensible », « complètement disproportionné », « intolérable », « absurde » …
Depuis quelques jours, il existe un consensus au sein de la direction d’EELV pour exprimer plus que des protestations verbales contre les interventions à Notre-Dame-des-Landes. L’occasion se présente avec l’appel à une « mobilisation massive », le samedi 17 novembre, par les associations locales en lutte contre le projet – agriculteurs, occupants « illégaux », élus… [^2]. Les écologistes, qui tiennent un Conseil fédéral ce jour-là, envisagent de le délocaliser à Nantes, et de dégager du temps pour participer à la manifestation, qui pourrait réunir des milliers de personnes. Il s’agira d’une « déambulation » au sein de la zone préemptée par le projet d’aéroport, avec des arrêts sur les sites où les forces de l’ordre ont rasé des maisons ou des lieux de vie, dans le but d’y « reconstruire, au moins symboliquement, des abris » , explique Michel Tarin, l’un des animateurs de la lutte. Toutes les forces sont les bienvenues, « encagoulées ou sous une banderole politique, c’est le rassemblement qui nous fera gagner » , estime l’agriculteur, même si cet œcuménique fait débat au sein des opposants.
[^2]: voir acipa.free.fr ou zad.nadir.org
Et puis Cécile Duflot s’est exprimée. La ministre du Logement, qui reste tacitement commise à la gestion du subtil équilibre de la position d’EELV face au PS, a jugé que « la répression et le manque de dialogue » n’étaient pas « la bonne méthode [^4] ». Des propos « courageux et équilibrés », salue le sénateur Jean-Vincent Placé, numéro deux du parti. D’autant qu’ils n’ont pas réprimandé le Premier ministre, même si Jacques Auxiette, président socialiste de la région Pays-de-la-Loire et complice sans faille de Jean-Marc Ayrault sur le dossier de l’aéroport, s’est chargé de les juger « irresponsables [^5] ». Les insinuations sur d’éventuelles contradictions agacent d’autant plus les cadres écologistes qu’ils ont le sentiment que l’abcès Notre-Dame-des-Landes valide leur stratégie. « La grande majorité du parti, rapporte Pascal Durand, approuve toujours notre participation au gouvernement, que je considère plus qu’utile que jamais pour tenter de convaincre le PS qu’il fait fausse route. » Le secrétaire national a sollicité la semaine dernière un rendez-vous avec le Premier ministre et le président de la République (jusque-là silencieux), pour demander l’arrêt des interventions violentes à Notre-Dame-des-Landes, l’abandon du projet et l’ouverture d’un « grand débat » sur ce type d’infrastructures. « Si l’on parle autant de l’aéroport aujourd’hui, c’est précisément parce que notre participation au gouvernement nous rend audibles, au contraire d’une opposition puérile du style “Front de gauche”, insiste Jean-Vincent Placé. Il n’est que de lire la presse de droite, qui voit une “dictature des écolos” à l’œuvre parce que nous assumons nos désaccords. »
Et s’il se pose une question de crédibilité, c’est d’abord à Jean-Marc Ayrault qu’elle s’adresse, estime Jérôme Gleize, lequel soupçonne ses collègues de tourner autour du pot. « Il fait gaffe sur gaffe. On ne peut pas éluder le fait que sa méthode est en train de conduire tout le monde vers le gouffre, y compris ses partenaires politiques. Nous n’avons pas encore perdu sur le chapitre Notre-Dame-des-Landes. Mais, à un moment ou à un autre, c’est bien l’alternative “Ayrault ou nous” qui risque de se poser… »
[^2]: Une dizaine de blessés légers de part et d’autre.
[^3]: AFP, 30 octobre.
[^4]: RTL, 31 octobre.
[^5]: Libération , 1er novembre.