Les quatre enseignements du scrutin, de notre correspondant à New York
Barack Obama a été réélu avec une forte majorité du vote du collège électoral, mardi soir, défiant les pronostics. Pour le président américain, c’est l’occasion ou jamais de remettre le pays sur la voie de la prospérité.
_ Depuis New York
Barack Obama a conjuré le sort des chefs d’État qui briguent un second mandat en temps de crise : mardi soir, l’Amérique a décidé de le renvoyer à la Maison Blanche pour quatre ans de plus. Quatre ans pendant lesquels il devra continuer le redressement du pays, dont l’économie est toujours marquée par un taux de chômage avoisinant les 8%. Il devient le 4e président démocrate à être réélu en un siècle.
Que retenir des résultats de cette élection ? Le premier enseignement est historique. L’Amérique a, en effet, définitivement tourné la page de son lourd héritage de ségrégation raciale ce 6 novembre au soir. Si l’élection de 2008 était historique, car jamais un Afro-Américain n’avait été élu à la Maison Blanche, celle de 2012 confirme cette évolution des mentalités. La race n’a en effet jamais été mentionnée pendant la campagne. L’Amérique peut désormais s’enorgueillir de ne pas avoir voté qu’une seule fois pour un candidat de couleur, mais deux.
Deuxième enseignement : cette élection est autant la victoire de Barack Obama que la défaite de Mitt Romney. Depuis le début de la course, le candidat républicain n’a pas su rassembler un parti historiquement divisé entre plusieurs courants : l’establishment du nord-est, la droite religieuse, les libertariens emmenés par Ron Paul et, depuis 2009, le Tea Party. Malgré une bonne performance lors du premier débat présidentiel, Romney a conservé sa réputation de girouette politique, soutenant le mariage gay en tant que gouverneur du Massachusetts, mais le rejetant comme candidat à la présidence. Ou supportant comme gouverneur une réforme du système de santé similaire à celle d’Obama mais promettant de mettre un terme à cette dernière s’il était élu. À ces retournements de veste s’ajoutent des gaffes à répétition, dont sa fameuse sortie, en petit comité, contre les 47 % d’Américains qui ne payent pas d’impôts sur le revenu. La sanction des urnes est sévère : contre toute attente, Romney perd presque tous les Etats-bascule (« swing states »), qui auraient pu pencher d’un côté comme de l’autre.
Troisièmement : le parti républicain doit se refondre. Il est apparu incapable de séduire au-delà de son électorat traditionnel, masculin et blanc. A contrario, Barack Obama a concentré sur son ticket les voix des femmes, des Hispaniques et des Afro-américains. L’accroissement des populations hispanique et asiatique pourrait donner un avantage électoral de long terme aux Démocrates si les Républicains ne font pas plus pour s’adresser à ces électorats.
Enfin, malgré sa réélection, Barack Obama n’a pas les mains libres. En effet, ce 6 novembre, les Américains ont décidé de maintenir le statu quo au Congrès : les Démocrates conservent leur majorité au Sénat tandis que les Républicains gardent le contrôle de la Chambre des Représentants. Une forme de cohabitation à laquelle Barack Obama est habitué puisque cela fait déjà deux ans qu’il gouverne avec une Chambre des Représentants qui lui est ouvertement hostile. En 2011, l’opposition partisane sur les questions du budget et du relèvement du plafond de la dette avait conduit le pays au bord de la crise, avec la menace d’une fermeture temporaire des services publics non-essentiels. Il n’est pas exclu que ces soubresauts se reproduisent, d’autant que certains Démocrates modérés n’ont pas conservé leur siège. Malheureusement, c’est le genre de confrontation qui fait le lit des cyniques: selon un sondage Gallup réalisé en octobre, seul un Américain sur dix approuve le travail des parlementaires. Ce niveau n’avait pas été aussi bas en trente ans. « Merci de m’avoir soutenu jusqu’au bout », Barack Obama a-t-il lancé à ses supporters à Chicago, mardi soir. Il en aura sans doute besoin plus qu’avant, au moment où il aborde un mandat qui définira sa marque dans l’Histoire.
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