Quel pouvoir pour Obama ?
Barack Obama continue de payer sa défaite cuisante à l’élection législative de mi-mandat.
À peine réélu mardi, Barack Obama a pu mesurer les limites de son pouvoir. Le Président américain a certes remporté une large victoire si l’on considère le nombre des Grands électeurs ― le seul qui compte d’un point de vue institutionnel ― mais il a été tenu en échec par le vote populaire. Les deux candidats sont arrivés pratiquement à égalité si l’on observe le total des voix. Les deux Amériques sont donc bien là, face à face, presque étrangères l’une à l’autre. Barack Obama l’a bien senti, qui dans son discours prononcé depuis Chicago, a souligné l’unité du pays, comme pour tenter d’atténuer l’antagonisme qui se profile. Obama a évoqué avec insistance l’héritage des pères fondateurs de « l’Union ». « Nous sommes une famille américaine » , a-t-il déclaré en promettant de « travailler avec les leaders des deux partis » . Ces mots relèvent certes d’un discours convenu, traditionnel même en pareille circonstance, mais ils sont aussi révélateurs de la difficulté qui attend Obama. Une difficulté qui se traduit d’un point de vue institutionnel par la reconduction d’une Chambre des Représentants à majorité républicaine qui garde son pouvoir d’entrave, même si le sénat reste aux mains des Démocrates.
Le discours d’Obama, prononcé peu avant 1 heure du matin, heure locale, était un exercice d’équilibre. Après l’appel à l’unité du pays ― vœu pieux sans doute ― le Président réélu n’a pas manqué d’exalter la puissance d’un pays hanté par la peur de son déclin. Il a salué « les forces armées les plus puissantes que le monde ait jamais connues » . Cela, avant de faire vibrer la corde identitaire de « son » Amérique « généreuse et ouverte aux immigrants » , indifférente aux couleurs de peaux et aux orientations sexuelles.
C’est évidemment là qu’il a parlé à son électorat jeune, noir ou hispanique. Sans doute ces mots traduisent-ils la vérité de cet homme, et de sa femme, Michelle, évidemment présente, avec leurs deux filles, sur la scène de Chicago. Mais on a vu au cours des quatre années de son premier mandat que ses bons sentiments, et sa vision éclairée pesaient de peu de poids face à l’hostilité irascible de bon nombre de ses adversaires républicains du Congrès. On l’a vu sur les questions de budget. On l’a vu à propos de la réforme de santé, qu’il a été contraint de rogner devant le lobby des assurances omniprésent à la Chambre. On l’a vu, plus spectaculairement encore, dans le dossier israélo-palestinien quand le Premier ministre israélien a reçu une standing ovation de la part des Représentants.
En fait, Obama a raté son début de premier mandat. En s’entourant de conseillers issus des anciennes administrations Clinton, ou transfuges des banques responsables de la crise des subprimes, et en voulant sur tous les dossiers amadouer des ennemis résolus, il a découragé une partie de sa base. Il l’a payé aux élections du « midterm », en 2010. C’est cette défaite cuisante à l’élection législative de mi-mandat qu’il continue de payer aujourd’hui.
La présidentielle de ce mardi est une petite revanche électorale, mais elle n’efface pas un rapport de force peu favorable. Paradoxalement, la clé de son second mandat réside peut-être dans la composition républicaine de la Chambre des Représentants. Il semble que les plus fanatiques des « tea party », l’extrême-droite des Républicains, soit en recul. Pourra-t-il négocier avec les autres ? Aura-t-il l’audace qui lui a fait défaut pour les affronter sur certains dossiers ? Quoi qu’il en soit, et dans le meilleur des cas, c’est d’une politique « centriste » dont il s’agit, et non d’une politique résolument sociale sur un plan intérieur, et moins encore d’une politique internationale susceptible de changer la face du monde. Dans ce domaine, Obama est de toute façon le président d’un pays qui ne veut pas abdiquer de son leadership. Le mot est revenu sans arrêt au cours du dernier débat avec Romney, y compris dans sa bouche. Autrement dit, le multilatéralisme dont il témoigne réellement dans ses discours ― et qui est de toute façon préférable à l’hyper impérialisme, ou à l’isolationnisme républicain ― est donc forcément de portée limitée.
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