Renault carbure à l’austérité
Le constructeur automobile fait pression sur les salariés de ses usines françaises pour leur imposer la flexibilisation du travail qui a déjà cours sur ses sites espagnols.
dans l’hebdo N° 1229 Acheter ce numéro
Le maintien des sites de production en France contre des sacrifices en matière de salaires et un démantèlement du droit du travail : tel est l’avenir que propose actuellement la direction de Renault à ses salariés. Le constructeur automobile n’en est pas à son coup d’essai. Début novembre, en Espagne, deux syndicats majoritaires, l’Union générale des travailleurs (UGT) et les Commissions ouvrières (CCOO), ainsi que la Confédération des cadres ont signé un accord de compétitivité intitulé « plan industriel 2014-2016 » pour les usines de Palencia, Valladolid et Séville. En échange de la promesse d’un recrutement de 1 300 salariés supplémentaires, la direction pourra mettre en place dès 2013 une flexibilité accrue dans les trois usines espagnoles, Renault persistant à vouloir réduire de 400 euros le prix de production par véhicule.
L’industriel pourra imposer une baisse de 10 % des salaires de nuit, 30 euros de moins pour les cinq premiers samedis travaillés par an ainsi qu’une suppression de la prime de déplacement entre les usines de Palencia et de Valladolid (distantes de 50 km, région centre-ouest de l’Espagne). Quant aux 1 300 embauchés supplémentaires, ils devront se contenter d’un salaire amputé de 30 à 40 % par rapport au salaire normal, soit 1 120 euros brut par mois ou 4,50 euros brut par heure durant deux ans. Pour couronner le tout, la direction a infligé une augmentation du nombre d’heures travaillées sur l’année, passant de 1 666 heures actuellement à 1 705 heures pour l’année 2016. Unai Hernandez, responsable syndical CGT à l’usine Renault de Palencia, dénonce un accord signé dans l’opacité par des syndicats non représentatifs des salariés : « Ces syndicats sont dociles. Ils se plient aux exigences de Renault. Il n’y a pas de surprise car ils sont recommandés aux salariés par la direction lorsqu’il y a des élections. »
La présidente du Medef profite de l’écoute gouvernementale sur la compétitivité des entreprises pour placer la barre très haut sur la réforme du marché du travail, avant la reprise des négociations sur la sécurisation de l’emploi prévue le 30 novembre. « Nous ne signerons pas d’accord si, du côté des organisations syndicales, il n’y a pas une acceptation des principes que nous mettons derrière la notion de flexibilité », a menacé Laurence Parisot. Le Medef s’appuie notamment sur les accords de compétitivité-emploi signés en France, au sein de Faurecia, filiale du groupe PSA, ou en discussion dans le groupe Renault, pour revoir à la baisse les droits des salariés. Le Medef continue aussi de mettre la pression sur le gouvernement et François Hollande. L’organisation patronale a obtenu l’accélération du calendrier du pacte de compétitivité destiné à baisser le « coût du travail ». Programmés initialement à l’Assemblée nationale, en février, les 20 milliards d’euros de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), accordés aux entreprises sur trois ans, ainsi que la refonte des taux de TVA, seront discutés début décembre et feront l’objet d’un amendement introduit dans le budget rectificatif pour 2013.
Le contenu des accords de compétitivité-emploi chez Renault ainsi que celui de la réforme du marché du travail en Espagne sont dans le même esprit que les propositions présentées le 14 novembre en France par le Medef dans le cadre de la négociation sur la « sécurisation de l’emploi ». Gerardo Abad, représentant syndical Renault de la Confédération nationale du travail (CNT), s’inquiète chaque jour un peu plus du démantèlement du droit du travail : « Chez Renault, les syndicats français savent ce qui les attend, ils ne doivent pas céder à l’idéologie néolibérale. »