Roosevelt ou le triomphe de la politique

L’historien Yves-Marie Péréon publie une biographie du président qui dut faire face à la grande crise et à la guerre.

Denis Sieffert  • 8 novembre 2012 abonné·es

À l’instar de Keynes, qui inspira sa politique économique, Franklin Delano Roosevelt voulait « sauver le capitalisme ». Il y est parvenu « en huit jours », écrira plus tard, admiratif, l’un de ses conseillers. Dans une remarquable biographie, l’historien Yves-Marie Péréon fait un récit haletant de ces journées décisives, les premières à la Maison Blanche de ce président qui, en sept   ans, aura à affronter la plus grande crise économique du XXe   siècle et une guerre mondiale.

Entre son investiture officielle, le 4   mars   1933, et le 13   mars, le 32e président des États-Unis va prendre une série de mesures pour endiguer la crise : fermeture de toutes les banques, interdiction de l’exportation et de la thésaurisation de l’or, convocation du Congrès en session extraordinaire, adresse à la population dans une causerie radiophonique. Au terme de cette semaine, les bases sont jetées de la grande loi qui instituera une stricte séparation entre banques de dépôt et banques d’investissement. En lisant le chapitre que Yves-Marie Péréon consacre à cette brève période, on ne peut s’empêcher de noter combien le volontarisme de Roosevelt tranche avec le sentiment d’impuissance que donnent les gouvernants actuels. Certes, la personnalité de Roosevelt, faux dilettante, sachant s’entourer d’une équipe loyale et déterminée, est décisive. Cet homme frappé par la maladie à 38   ans, et cloué dans un fauteuil roulant, témoigne d’une énergie stupéfiante. Mais c’est aussi que la politique n’a pas encore renoncé à son pouvoir sur la finance. Face à la deuxième grande épreuve de sa présidence, Roosevelt aura d’abord à affronter les isolationnistes. C’est l’attaque japonaise contre la base américaine de Pearl Harbour, le 7   décembre   1941, qui emporte la décision : « Maintenant, nous sommes dans cette guerre. Nous y sommes tous, jusqu’à la fin », proclame-t-il le lendemain, dans une de ces interventions radiophoniques qu’il affectionne. Mais Roosevelt n’a pas été inactif au cours des mois précédents. « Nous devons être le grand arsenal de la démocratie », résume-t-il dans un discours. En armant massivement la Grande-Bretagne, il fait tourner à plein la machine industrielle. C’est pendant cette période que naît « l’hyperpuissance » qui va ensuite dominer le monde.

Yves-Marie Péréon apporte aussi un éclairage précieux sur les débats au sein de l’administration américaine à propos des camps d’extermination. Le Président est informé très tôt de leur existence. Dès août   1942, le rabbin Stephen Wise lui transmet un rapport sans ambiguïtés. Si Roosevelt, assurément, n’est pas antisémite, certains dans son administration le sont. Les Juifs d’Europe payent de leur vie une politique d’immigration restrictive que Roosevelt n’a pas su empêcher.

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