T’aurais cru ça ?
dans l’hebdo N° 1227 Acheter ce numéro
Comme l’a (très justement) relevé Tenzin Gyatso [^2] dans sa biographie de Jean-Luc Mélenchon [^3] : il est bon, parfois, de reconnaître ses erreurs (sans quoi, pour ce qui serait d’accéder au nirvana, tu peux toujours te gratter, petit scarabée).
Moi qui te parle, par exemple : je mesure – et veux confesser – qu’il m’est arrivé, ici même, de me montrer un peu roide dans ma perception de la personnalité – tout aussi bien que des agissements – de Nicolas Sarkozy, chef de l’État français. Si je me rappelle bien, j’avais tendance à le trouver totalement affreux. Or, c’était injuste. Car il devient jour après jour plus évident, depuis sa réélection de mai dernier, que Nicolas Sarkozy pouvait (pour de bon) changer – et qu’il s’est, de fait, assoupli.
Dans le cours de son premier quinquennat, souviens-t’en, il s’était par exemple fait une pénible spécialité de nommer des ministres de l’Intérieur littéralement obsédés par le nombre d’étrangers qu’ils allaient chaque an bouter – que c’en devenait giga-flippant. Alors que là, il a trouvé en Manuel Valls un garçon beaucoup plus tempér… Attends, non, je crois que je me suis fourvoyé dans un exemple modérément probant.
Prenons plutôt, si tu veux bien, les relations de Nicolas Sarkozy avec les nanti(e)s du « grand » patronat. Sous son premier mandat, l’empressement qu’il mettait à les saturer de gâteries (fiscales, mais pas que) lui avait valu d’être affublé du sobriquet de « président des riches » – point totalement immérité puisqu’en effet le gars se montrait si appliqué à devancer les moindres désirs de la possédance qu’icelle, quotidiennement comblée, n’avait jamais rien à lui demander. C’était l’époque, remember, où il annonçait crânement qu’il allait hausser la TVA (pour mieux complaire à mâme Parisot).
Mais depuis sa réélection, cette étroite complicité est moins immédiatement évidente. Même : il arrive des fois que le Sarkozy nouveau fasse patienter le CAC. Ainsi, les « 98 plus grands patrons français » ont été obligés de lui lancer, il y a peu, un ultimatum – tu nous baisses les charges ou si qu’on t’en colle une ? – pour qu’enfin il se décide à redevenir l’hausseur de TVA qui avait fait leur bonheur entre 2007 et 2012.
Et certes, il a finalement obtempéré – ce n’est pas non plus comme s’il s’était soudain métamorphosé en ennemi du Capital – et distribué aux ultimateux des baisses de charges façon Père Noël. Mais il n’empêche que son style est moins rugueux qu’il n’était naguère, et qu’il donne véritablement l’impression d’avoir mis un (tout petit) peu d’eau dans sa vinasse libérale – tant et si bien qu’il est permis de penser que, s’il continue sur cette même lancée, il finira, au bout d’à peine trente ou quarante quinquennats, par se convertir au socialisme : t’aurais cru ça de lui, toi ?
[^2]: Le dalaï-lama, quoi.
[^3]: Jean-Luc against the burning monks , Tenzin Gyatso, éditions du Bouddha vénère, 2012.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.