Une si longue patience
dans l’hebdo N° 1228 Acheter ce numéro
Juste après que son armée venait de recommencer à confectionner à coups de bombes du hachis de civil(e)s gazaouites, le Premier ministre – et fameux démocrate – israélien, Benyamin Netanyahou, a déclaré (à la fin, semble-t-il, de justifier cette énième boucherie) que pas un gouvernement au monde n’accepterait qu’un gros pan de sa population vive sous la menace – et qu’il ne supportait plus, quant à lui, que la vie quotidienne des habitant(e)s de Sderot (liste non exhaustive) soit rythmée par des tirs de roquettes palestiniennes (et qu’il avait donc pris la décision d’ordonner de nouvelles tueries). Cette dernière assertion est, reconnaissons-le honnêtement, parfaitement exacte.
De la même façon, et a fortiori, aucun gouvernement au monde ne saurait endurer que la totalité de sa population, dépossédée de ses terres, « vive » (façon de parler) parquée dans des prisons à ciel ouvert – et qu’elle y soit, le cas échéant, régulièrement ensevelie, pour la plus obscène satisfaction d’une poignée de gros penseurs d’Occident, sous un atroce déluge de bombes (enrichies éventuellement d’un peu de phosphore blanc, histoire de pimenter la routine).
Si la population israélienne, par exemple, était soumise à de telles abominations – si ses femmes et ses enfants étaient au fil des ans massacré(e)s par centaines –, il est permis de supposer que Benyamin Netnayahou userait, contre ses bourreaux, et sous l’aiguillon, par exemple, de ses si progressistes alliés de l’ultra-droite israélienne, de méthodes expéditives.
Et pourtant, il existe au moins un gouvernement dont les administré(e)s, tenu(e) s serré(e)s dans des réserves, sont constamment soumi(se)s à d’ignobles traitements – et qui, cependant, supporte depuis de longues décennies l’insupportable, et tolère l’intolérable : il s’agit, on l’aura deviné, de celui de la Palestine. Puisque, en effet, force est de constater que les instances dudit gouvernement ont continué, durant que le gouvernement israélien parachevait la colonisation, ponctuée de gigantesques massacres, de leurs « territoires », de privilégier ce que Leila Shahid, déléguée générale de l’Autorité palestinienne auprès de l’Union européenne, appelle une « stratégie non-violente », dans l’espoir – un rien naïf, sans doute, après tant de déceptions – que le monde finirait par prendre la mesure de leur infini martyre. Et quel a été le résultat de cette longue patience ? La perpétuation d’un apartheid où le seul droit des Arabes est d’acquiescer à leur asservissement – sous peine, donc, d’être encore et encore bombardé(e)s.
De sorte que la question se pose de savoir si ce gouvernement ne devrait pas envisager, désormais, de se montrer moins élastique – et d’adopter, plutôt que la diplomatie de la retenue qui lui a jusqu’à présent si mal réussi, les positions un peu fermes que suggère l’excellent Benyamin Netanyahou, lorsqu’il constate, et comme il a raison, que trop, c’est trop.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.