À flux détendu
dans l’hebdo N° 1231 Acheter ce numéro
Il y a peu, Aurélien Bellanger, l’auteur de la Théorie de l’information, roman à la mode de cet automne, déclarait dans ces colonnes qu’à ses yeux le Nouveau Roman était chose caduque et Samuel Beckett à rayer des tablettes. Outre leur incongruité, ces propos ont devancé de quelques semaines les représentations de la pièce de Christophe Honoré, Nouveau Roman, au théâtre de la Colline. Celle-ci reprend les débats littéraires de l’époque, les recompose, les met en scène par le biais des écrivains de Minuit, interprétés aussi bien par des femmes que par des hommes.
Résultat : un gros succès. Sans doute parce que c’est « caduc ». Les éditions de Minuit annoncent d’ailleurs la réédition en janvier de Pour un nouveau roman d’Alain Robbe-Grillet. Elles ont aussi fait paraître en novembre un petit recueil de poèmes de Samuel Beckett, Peste soit de l’horoscope et autres poèmes (traduction de l’anglais et présentation par Édith Fournier, 45 p ., 7,50 euros). Le poème éponyme est le premier de Beckett à avoir été publié séparément. Le futur auteur de Watt avait alors 24 ans et résidait à Paris en tant que lecteur d’anglais à l’École nationale supérieure. Il écrit Peste soit de l’horoscope en quelques heures, répondant in extremis à l’annonce d’un concours de poème de moins de cent vers dont le thème devait être le temps.
Le jeune Beckett aimait truffer ses poèmes de références érudites. Celui-ci se rapporte à Descartes et à sa manie de manger des œufs couvés pendant huit à dix jours. Il n’est pas dénué d’humour : « Bordel de Dieu, qu’on le couve ! », écrit-il notamment. Le poème est certes un exercice de style : Beckett, alors, se cherche encore. Mais il est aussi l’occasion de railler les milieux universitaires – dont il est lui-même intellectuellement issu –, leur arrogance savante, leur langage d’initiés. Bref, de se moquer des pédants et des cuistres. Has been, Beckett ?
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