Comment la France cultive l’avenir
Au-delà de la bio, se développe un panel de pratiques agricoles respectueuses du milieu naturel.
dans l’hebdo N° 1231 Acheter ce numéro
Bonne nouvelle sur la planète agricole, la reconquête des esprits est en cours ! L’actualité ne semble plus à la dénonciation des crasses de l’agro-industrie, mais à la valorisation de la « jacquerie » silencieuse et têtue de ces paysans qui fabriquent – et avec quelle ingéniosité ! – l’avenir de l’agriculture en France. Coup sur coup, deux grands enquêteurs viennent de livrer une moisson de témoignages sur un phénomène de société en marche. Les Moissons du futur, de Marie-Monique Robin [^2], nous promenaient sur la planète ; avec Vive l’agro-révolution française !, Vincent Tardieu nous emmène dans les terroirs de l’Hexagone. Patient, méticuleux, muni d’un scepticisme de bon aloi, l’auteur démonte d’entrée de jeu, mais avec nuance, l’opposition binaire entre une méchante agriculture industrielle et les saintes pratiques bio : on peut parfois faire plus de mal aux milieux en abusant de traitements « naturels » qu’en osant un petit peu de chimie.
L’auteur nous montre combien la réaction aux impasses massives de l’agro-industrie est diverse dans ses formes, et il est rassurant de constater que tout n’est pas réduit à une joute idéologique. Les paysans, avec pragmatisme, expérimentent et réinventent l’agriculture. Aux côtés du mouvement de la bio, bien structuré, se développent des pratiques parfois plus ambitieuses, visant à réintégrer de façon profonde et durable l’agriculture dans l’environnement naturel : la biodynamie, une quasi-philosophie biologique, les pratiques de conservation des sols (pas de labours, rotation des cultures, utilisation de légumineuses…), l’agroforesterie, qui associe arbres et cultures, les stratégies de protection (répulsion, détournement, lutte biologique, etc.), contre les indésirables, l’agriculture « durable », ou l’étonnante permaculture, qui vise à la cohérence la plus poussée entre cultures et milieux.
Sans se départir de sa posture professionnelle, l’auteur ne rechigne pas à afficher une empathie pour son objet. Pas de militance ni de parti pris : c’est au travail et à l’ingéniosité de ces inventeurs – qu’il met largement en valeur – et à l’ineffable harmonie qui se dégage d’une agriculture enfin réconciliée avec ses buts premiers qu’il manifeste sa tendresse. Vincent Tardieu a consacré dix-neuf mois et près de 150 rencontres à son enquête, et l’on perçoit que c’est le caractère inédit de cette somme qui a conduit les pouvoirs publics à s’y intéresser. Il a été invité au titre de grand témoin à la conférence nationale « Agriculture, produisons autrement » convoquée le 18 décembre par le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll [^3].
[^2]: Voir Politis n° 1222.
[^3]: Voir agriculture.gouv.fr/Produisonsautrement