Good cop, bad cop
dans l’hebdo N° 1230 Acheter ce numéro
On a tou(te)s nos petites manies un peu honteuses, hein ? Moi qui te parle, par exemple, le vendredi matin, j’achète le Figaro, parce que c’est le jour du bloc-notes d’Ivan Rioufol, qui est, comme tu sais probablement, une espèce d’imprécateur totalement azimuté, auprès de qui feu Max Clos, qui officiait naguère en ces lieux, prend des airs posthumes de progressiste mou du fondement – alors qu’en vrai, non : en vrai, il était déjà tellement loin à droite que, par temps de brouillard, tu le voyais carrément plus.
Ce que j’aime bien, chez Rioufol, c’est que le gars ne s’interdit rien dans l’extravagance. (Il ne reste notamment jamais plus de quelques semaines sans blatérer qu’il est une espèce de champion de l’anticonformisme, seul ou presque à oser dire tout haut ce que personne d’autre n’a le courage de proférer. Et ça, quand même, c’est particulièrement burlesque, parce que bon, dans la vraie vie, il est juste payé par Serge Dassault, de l’UMP, pour redire le vendredi ce que les chefs de l’UMP ont déjà dit les six autres jours de la semaine – des trucs qui tournent dans 99 % des cas autour de la double assertion que le libéralisme est vachement bath, mais que les immigré(e)s sont d’inquiétantes gens –, de sorte qu’il faut vraiment avoir beaucoup bu pour imaginer plus d’un quart de millième de seconde qu’il serait autre chose qu’un très fidèle récitant des vilenies de la doxa dominante.) Et certaines fois il se surpasse, et s’hisse vers des hauteurs proprement orwelliennes. Dans sa dernière imprécation vendredique, par exemple, il dénonce, sans rire (le mec a beaucoup moins d’humour que les portes de la prison de la Santé), pour mieux supporter Copé, une « subversion » de l’UMP « par le prêt-à-penser homologué par la gauche » qui s’incarnerait dans Fillon.
D’après lui, donc, le parti de Sarkozy, dont le règne vient d’être marqué pendant cinq ans par une incessante succession de saloperies antisociales et xénophobes (les unes n’allant évidemment pas sans les autres, car il convient, quand on est un libéral conséquent, d’usiner des boucs émissaires « étrangers » [^2] vers qui détourner l’ire du bon peuple durant qu’on lui fait les poches à la fin d’engraisser de pansu[e]s commanditaires), serait profondément rongé par des pulsions progressistes – et quand on lit ça, on a bien sûr envie d’appeler des ambulanciers pour qu’ils emmènent vers la plus proche maison de repos le pauvre hère dont les durites ont carrément fondu.
Mais, à bien y regarder, le Riouf participe là, et à sa manière, à la même forgerie que le reste des éditocrates françousques, appliqués depuis quelques jours à nous suggérer qu’il y aurait dans la droite « républicaine » (ne ris pas, je te prie) un méchant flic réactionnaire – Copé – et un débonnaire agent de la circulation des idées centristes – Fillon –, alors qu’en vérité ces deux personnages portent, nous venons de l’expérimenter pendant un entier quinquennat, les mêmes sinistres « « « valeurs » » » [^3], exactement.
[^2]: Ou musulmans, il va de soi.
[^3]: Vois si je mets plein de guillemets.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.