La prime de Noël du Medef

Le gouvernement impose à sa majorité de voter le crédit d’impôt compétitivité emploi sans l’assortir de conditions.

Michel Soudais  • 6 décembre 2012 abonné·es

Mesure phare du Pacte de compétitivité annoncé le 6 novembre par Jean-Marc Ayrault, la création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi pour les entreprises (CICE) employant au moins un salarié était discuté cette semaine à l’Assemblée nationale. Le gouvernement l’a intégrée au troisième projet de Loi de finances rectificative 2012 via un amendement. Officiellement, cette célérité est motivée par le souci de répondre à l’accélération du chômage. Mais les allégements de charges patronales ayant fait la preuve depuis trente ans de leur inefficacité pour l’emploi, il s’agit surtout de prouver au Medef que ce cadeau fiscal de 20 milliards d’euros sera bien appliqué dès le 1er janvier.

Cette accélération est critiquée dans les rangs des députés socialistes. Elle « n’avait pas ma faveur », écrit pudiquement le rapporteur général du Budget sur son blog. S’il approuve totalement le recours au CICE « pour relancer la compétitivité », Christian Eckert en critique plusieurs aspects : la mesure est mal ciblée – 20 % seulement iront à l’industrie – ; « le secteur associatif et le champs de l’économie sociale et solidaire pourraient ne pas être éligibles »  ; la mesure risque de créer une distorsion de concurrence entre les secteurs privé et public puisqu’elle bénéficiera aux cliniques privées mais pas à l’hôpital public ; elle permettra d’ « investir, embaucher, former des salariés, développer la recherche ou l’exportation » mais pourra aussi servir à «  augmenter certaines rémunérations excessives ou des dividendes pas toujours décents ». En l’absence de conditions exigées en amont, certains socialistes redoutent que le CICE ne soit qu’un « chèque cadeau » aux entreprises. Toutefois, malgré plusieurs réunions de groupe houleuses, au cours desquels il a été rappelé que le projet du PS prévoyait de moduler les cotisations sociales et l’impôt sur les sociétés en fonction de l’utilisation des profits, ils n’ont pu obtenir d’introduire des conditions dans le texte. François Hollande et Laurence Parisot y étant opposés.

Matignon a toutefois accepté quelques sous-amendements PS. Ils stipulent notamment que le crédit d’impôt ne doit pas servir à augmenter les dividendes ni les rémunérations des dirigeants. Mais ces vœux pieux dépourvus de sanction ne changent pas l’appréciation de l’UMP. Le président de la commission des Finances, Gilles Carrez, a salué la « simplicité » et l’ « automaticité » du CICE. Et si le très libéral Hervé Mariton ne l’estime « pas parfait », « l’absence de conditions préalables » emporte son adhésion. C’est Noël !

Économie
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