Laurence Rossignol : « Le bon sens, c’est les renouvelables »
Laurence Rossignol rejette toute exploration et extraction de gaz de schiste, quelle que soit la technologie utilisée.
dans l’hebdo N° 1230 Acheter ce numéro
Le débat national sur la transition énergétique s’est ouvert alors que les partisans du gaz de schiste sont en pleine offensive pour faire accepter la nécessité d’exploiter les ressources françaises. Un « lobbying effréné », selon la socialiste Laurence Rossignol.
Comment voyez-vous la pression exercée par les pro-gaz de schiste, à l’heure où s’ouvre le débat sur la transition énergétique ?
Laurence Rossignol : Ce débat est un beau défi, mais nous savons que les questions du nucléaire et du gaz de schiste peuvent provoquer des crispations et devenir des obstacles. Cependant, la ministre de l’Écologie l’a rappelé : il n’y a pas de question taboue, tout est sur la table dans le périmètre des engagements de François Hollande, notamment la réduction à 50 % de nucléaire dans la production d’électricité. Il s’agit d’un débat ouvert, où les partisans du gaz de schiste ont la liberté de se faire entendre.
**Arnaud Montebourg parle de « bon sens ». Et vous ? **
Je pense que le gaz de schiste est un mirage, et une fausse route. Doit-on en rechercher pour l’utiliser ? Je réponds « non ». Doit-on développer une technologie plus acceptable que la fracturation hydraulique ? Je réponds « non » également. Je suis défavorable à l’exploration et à l’extraction, quelle que soit la technologie. La priorité absolue doit être la réduction des émissions de CO2. Opter pour le gaz de schiste, c’est viser d’hypothétiques objectifs de court terme au prix d’un passif certain à moyen terme, l’accélération et l’amplification de l’effet de serre. Alors que les rapports sur le changement climatique montrent que les projections les plus pessimistes sont dépassées ! Il s’agit d’une solution de facilité assise sur des démonstrations biaisées. Ainsi, quand bien même on forerait demain, il n’y aurait pas de véritables retombées économiques avant 2020. Le bon sens, c’est de sortir des énergies fossiles pour aller vers les renouvelables.
**Comment expliquez-vous le retour d’arguments qu’on pensait obsolètes ? **
Nous sommes confrontés à un lobbying effréné de la part des industriels, à un niveau rarement vu. Même le nucléaire est battu ! Au prétexte de lutter contre la crise économique, ils veulent nous mettre le couteau sous la gorge. Même les grands médias y sont sensibles. Le Monde a publié deux éditoriaux pro-gaz de schiste en trois mois !
François Hollande est favorable à la recherche. Cela vous gêne-t-il ?
Ainsi, la recherche serait « bloquée ». Étrange : personne n’a jamais interdit à un acteur privé de mener des recherches ! En revanche, s’il s’agit de solliciter les pouvoirs publics, j’y suis absolument opposée. Il serait beaucoup plus utile d’investir, par exemple, dans le développement de solutions de stockage de l’électricité, point clé du développement d’énergies intermittentes comme l’éolien ou le photovoltaïque. Pour ma part, j’ai bien entendu le Président affirmer qu’il n’y aurait pas de permis d’explorer pendant le quinquennat. Quant aux perspectives qu’il évoque pour la recherche, je n’ai nullement entendu qu’il soit question que l’État en soit partie prenante.
Votre position n’a-t-elle pas été fragilisée ?
L’offensive actuelle traduit les efforts de partisans en situation isolée. Nous restons bien en position dominante : François Hollande n’a pas rouvert le dossier.