Parcs naturels : « Trop de contraintes »
Des élus tentent d’affaiblir la protection des parcs nationaux, au profit du tourisme et du sport.
dans l’hebdo N° 1232-1234 Acheter ce numéro
Créés en France par la loi du 22 juillet 1960, les parcs nationaux étaient destinés, sur une petite portion du territoire, à préserver des paysages et une biodiversité déjà menacés. Une loi révisée à la baisse en 2006 par Nelly Olin, ministre de l’Écologie de l’UMP. Aujourd’hui, des chartes « de développement » de ces parcs, soumises aux enquêtes publiques prévues par la loi, et devant définir les relations entre les « cœurs de parc » (ex-zones centrales), théoriquement très protégés, et les « zones d’adhésion » (ex-zones périphériques), préservées par concertation locale, sont en passe d’être adoptées.
Les associations de protection de la nature, comme WWF, France Nature Environnement (FNE) ou la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), et les agents des parcs nationaux sont inquiets car la révision de 2006 a donné la majorité aux élus locaux dans les conseils d’administration des parcs. Les associations ont lancé, le 12 décembre à l’Assemblée, « un appel à la mobilisation de l’opinion publique pour que les parcs nationaux ne soient pas détournés de leurs missions de service public par les réactions de certaines collectivités locales ». De fait, au parc de la Vanoise (le premier, créé en juillet 1963), « après des mois de négociations, 90 % des élus locaux se sont prononcés contre le projet de charte », explique Benoît Hartmann, porte-parole de FNE. Justification : elle comporterait trop de « contraintes environnementales ».
Au parc des Calanques, l’un des sièges réservés aux associations de protection de la nature est occupé par les chasseurs. Quant au parc des Cévennes, les élus réclament qu’il soit déclaré « zone d’exclusion du loup ». « L’addition des intérêts particuliers, ajoute Benoît Hartmann, ne peut pas représenter l’intérêt national et patrimonial pour lequel les parcs nationaux ont été instaurés. Il s’agit de préserver les paysages et la biodiversité, c’est-à-dire l’intérêt supérieur de la nation. Cette mission est menacée par la conjonction des égoïsmes locaux ». Car ces zones très protégées des parcs nationaux ne représentent que 0,5 % du territoire. Et la quasi-disparition, autour de ces espaces, de la zone tampon dans laquelle l’extension des équipements des stations de ski et les aménagements touristiques seraient « maîtrisés » constitue une menace. Elle met notamment en péril l’installation des trames vertes, permettant aux espèces protégées d’occuper le reste du territoire. À l’image du bouquetin, qui a recolonisé les Alpes à partir de la Vanoise. En fait, expliquent les associations, il s’agit de réduire a minima la taille des parcs nationaux « de façon à obtenir de l’État le droit de construire avec vue sur le parc ». Soit, à terme, de les transformer en zones d’attraction à vocation touristique. Évolution qui élimine pratiquement leur caractère de sauvegarde de la biodiversité. Surtout pour ceux qui subissent, comme dans les Calanques, une pression urbaine très forte.
Ce forcing des élus locaux ouvre également des possibilités de dérogations suspectes. Qu’il s’agisse de compétitions sportives, d’utilisation de canons à neige ou de survol des zones protégées par des avions de tourisme et des hélicoptères. La ministre de l’Écologie, Delphine Batho, ignore pour l’instant les avertissements des naturalistes. Tout comme elle ignore les protestations des gardes-moniteurs des parcs, lesquels sont de moins en moins nombreux pour assurer leurs missions : protéger le bâti ancien, informer les visiteurs ou poursuivre le travail scientifique qui leur incombe. À nouveau, l’économie prendrait donc le pas sur l’écologie. Un développement au final pas si judicieux que ça. « Nous sommes déjà en sur-urbanisation avec de nombreux lits inoccupés », argumente Yves Paccalet, conseiller régional écologiste et administrateur du Parc national de la Vanoise [^2]. Il a lancé une pétition afin « que la charte soit adoptée en l’état », signée par quelque 14 000 personnes. Bernard Ricau, l’un des responsables du Syndicat national de l’environnement, déplore quant à lui que « les élus locaux se considèrent comme souverains et décisionnaires pour alléger la réglementation des espaces protégés ».
[^2]: humanité.fr, 13 décembre.