Union bancaire : régulation ? Quelle régulation ?

Les chefs d’État de l’Union européenne ont signé un accord de supervision des banques par la Banque centrale européenne. Au menu, des reculs notoires et beaucoup d’esbroufe.

Thierry Brun  • 20 décembre 2012 abonné·es

François Hollande s’est livré à un exercice d’autosatisfaction lors du conseil européen des 13 et 14 décembre. Au second jour du dernier sommet de l’année 2012, le président français s’est félicité de ce que le temps où l’Europe donnait au monde le spectacle de la crise et de la désunion soit « terminé ». Les 27 ont conclu, selon Michel Barnier, commissaire européen chargé des Services financiers, un « accord historique » – un de plus ?  – sur la supervision des banques européennes. Et l’ex-Premier ministre François Fillon s’est joint au concert des félicitations, voyant dans cet accord « l’aboutissement d’un travail engagé par Nicolas Sarkozy et son gouvernement lors de la présidence française de l’UE ». Cet accord n’avait pourtant rien d’historique puisqu’il avait déjà été validé par le précédent conseil européen des 18 et 19 octobre. Ce qui avait d’ailleurs réjoui la Fédération bancaire européenne, qui y voyait une régulation a minima du secteur bancaire.

L’organisation d’un « mécanisme de surveillance unique » des établissements de crédit à la dérive sera confiée à la Banque centrale européenne (BCE) et aux « autorités nationales compétentes ». Une première étape du renforcement de la zone euro pour tenter d’empêcher de nouvelles crises. Mais le dispositif enregistre un recul majeur par rapport aux mesures envisagées lors du précédent conseil : plus question de contrôler les quelque 6 000 banques de la zone euro. « La supervision unifiée prévue ne concernera que les 150 à 200 grosses banques dont le bilan dépasse 30 milliards d’euros, souligne Attac France. Or, on sait que la crise bancaire espagnole a été provoquée par les Caisses d’épargne de petite taille. Ce nouvel accord ne résout donc en rien la crise bancaire espagnole qui menace la zone euro. » François Hollande essuie donc un camouflet face à la chancelière allemande, Angela Merkel, et à la Bundesbank, qui s’opposent à une surveillance des banques régionales allemandes. L’accord a été « imposé par l’Allemagne, qui souhaitait que ses banques régionales échappent au contrôle de la BCE, et que les mécanismes de solidarité entre pays soient réduits au minimum, les contribuables allemands ne voulant pas payer pour les banques slovènes ou espagnoles », constate Attac France. De plus, le système bancaire européen, pourtant un des acteurs de la crise financière et de la dette, ne sera pas mis à contribution à hauteur de ses responsabilités : le Mécanisme européen de stabilité (MES) ou la BCE assureront la majorité des sauvetages à venir. Par conséquent, les citoyens subiront alors de nouveaux plans d’austérité.

Les dirigeants allemands ont aussi freiné des quatre fers sur le calendrier : le mécanisme de surveillance n’entrera pas en vigueur de façon progressive au cours de l’année 2013, comme cela avait d’abord été envisagé par François Hollande. Il ne sera opérationnel qu’en mars 2014. Certes, la BCE et l’Autorité bancaire européenne (ABE) mèneront conjointement des tests de résistance (« stress tests ») sur les banques durant la deuxième moitié de 2013. « Mais on se souvient que l’Autorité bancaire européenne a réalisé des stress tests très controversés sur les banques en difficulté », rappelle l’économiste Dominique Plihon [^2]. En 2011, l’ABE avait souligné « la bonne santé d’ensemble du système bancaire européen » et n’avait pas vu venir la chute des banques espagnoles. Pour Angela Merkel, la recapitalisation directe des banques supervisées par la BCE reste à « élaborer ». Cette supervision sera cependant une des conditions pour une recapitalisation des banques de la zone euro par le biais du Mécanisme européen de stabilité (MES), le nouveau fonds de secours qui devrait succéder au Fonds européen de stabilité financière courant 2013. Une autre condition est prévue : que des plans d’austérité soient mis en œuvre. Surtout, l’accord « historique » « n’impose aucune règle contraignante pour interdire la spéculation par les banques, à l’origine de cette crise. Ce qui laisse présager de nouvelles crises financières dans un proche avenir », relève Attac France, qui estime que les décisions prises à Bruxelles tournent le dos à la démocratie.

[^2]: Lire « Sortie de crise pour le système bancaire européen ? », entretien publié le 24 octobre sur www.politis.fr

Économie
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