À flux détendu
dans l’hebdo N° 1238 Acheter ce numéro
Jusque-là, tout allait bien. La ministre de la Culture, Aurélie Filipetti, déroulait les derniers développements de son discours, où elle avait rappelé pour la énième fois le gros effort consenti par la rue de Valois dans la réduction des déficits des comptes publics, mais affirmé que son ambition ne faiblissait pas. Elle entama sa conclusion et souhaita une bonne année culturelle à tous. C’est alors que l’incident, du moins ce que je tiens pour tel, survint : une salve d’applaudissements retentit. J’eus beau vérifier la composition de l’assistance dans ce salon du ministère de la Culture : tous des confrères ou presque. Normal, puisque la ministre délivrait ce 24 janvier ses vœux à la presse. Mais alors ? Notre démocratie a ceci d’extrêmement amène que les journalistes y applaudissent les ministres, les femmes et les hommes politiques. C’est comme ça. Ils ne peuvent s’empêcher de saluer les beaux morceaux d’éloquence, même quand ceux-ci ne sont pas si beaux ni très éloquents. C’est une marque d’indépendance et de distance critique. Le gage que le pouvoir ne fascine en aucun cas les gens de la presse. Peut-on imaginer que la ministre, une fois son allocution prononcée, range ses papiers dans un silence non pas gêné, mais courtois ? Chacun des journalistes présents continuant à méditer les propos délivrés. Échangeant avec ses voisins telle réflexion sur telle mesure annoncée. Ou appréciant à leur juste mesure les meilleures périodes du discours. Ainsi, au terme d’une tirade expliquant qu’au lieu d’ériger de grands monuments elle s’attacherait à ce que tous les jeunes aient accès à la culture, la ministre conclut : « Ce gouvernement ne promet donc pas de construire une nouvelle pyramide du Louvre, mais une petite pyramide dans l’esprit de chaque enfant. » La métaphore me fit grand effet. N’était-il pas opportun, à cet instant, d’applaudir ? Je le fis. Sans réserve. Mais intérieurement.
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