Affiche-Action : L’histoire collée aux murs
Le destin de l’affiche politique, de la Révolution à nos jours. Une compilation à la fois riche et frustrante.
dans l’hebdo N° 1236 Acheter ce numéro
Au commencement était le placard. À vocation publique. Une affiche collée au mur, avec différentes polices de caractère. Tantôt il s’agit d’avis officiels (déclaration de guerre, réquisition, mesures d’urgence diverses), tantôt de proclamations séditieuses. La Révolution de 1789 marque un tournant dans l’histoire du placard. Les murs de Paris se couvrent d’écrits. La foule se regroupe pour lire affiches et manifestes. Ça vaut bien les clubs où l’on vient débattre. L’exposition « Affiche-Action, quand la politique s’écrit dans la rue », présentée à la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), à l’Hôtel des Invalides à Paris, s’ouvre ainsi sur une affiche de l’Assemblée des représentants de la Commune de Paris du dimanche 17 octobre 1789, proclamant que « les placards feroient toujours imprimés fur un papier de couleur adopté pour elle, et timbrés des Armes de la Ville, en grande eftampille, pour les diftinguer de tous ceux qu’on affiche journellement ». L’affiche se démultiplie, prend du galon, se veut influente. Elle a valeur d’acte. Si bien que le pouvoir réglemente, dès 1791, ses conditions de publication en restreignant les espaces d’affichage libre.
Principal relais du pouvoir en place, l’affiche tient un rôle évidemment central dans les révolutions à venir. Avec toujours des mots en gros caractères, noir sur blanc, qui vont décroissant au fil des lignes. Le 25 juillet 1830, placardée, une ordonnance de Charles X suspend la liberté de la presse périodique ; en février 1848, le gouvernement provisoire communique ses décisions encore par voie d’affiches. Déjà, Auguste Comte voit en elle « le seul débat public libre » au sein de ce qui est en train de devenir l’opinion publique. Moment clé d’un récit lié aux soubresauts de l’histoire, la Commune décline une affiche placardée à foison, comme en témoignent les images de Bruno Braquehais saisissant les monuments parisiens, ou celles d’Alphonse Liébert, cadrant les ruines de la capitale. Une dépêche télégraphique déclare la « Déchéance de Napoléon III et de sa dynastie », le 2 mars 1871, une autre, adressée au « peuple français », le 19 avril 1871, par la Commune de Paris, appelle à la mobilisation pour « désarmer Versailles » et « accomplir la Révolution moderne ». Toujours noir sur blanc, le point d’exclamation est privilégié. Ordre et manifeste écrasent l’imprimé. En dix semaines, on recense 399 affiches officielles imprimées. La Seconde Guerre mondiale est l’occasion d’occuper à nouveau la rue. Sous forme de tracts, de papillons ou d’étiquettes manuscrites, où s’animent les écritures et les couleurs, où les lettres brinquebalent sur la feuille. C’est un réel changement.
Expression des résistances, des luttes et des contre-pouvoirs, le terrain sera plus encore occupé en Mai 1968, entre injonctions, slogans et revendications fleuries, toute une expression anonyme, en tons ocre et sépia, parfois rouge et feu orangé, en tous formats. Lettres irrégulières, tracé rapide, proche du graffiti et du dessin naïf, vont jusqu’à habiller le mobilier urbain, tandis que la sérigraphie modifie la production. Les mouvements féministes prolongeront cette liberté graphique, avec, souvent, des panneaux individuels aux formes calligraphiques en écho aux fanzines d’alors, au pop art (couleurs acidulées, lettres en formes de bulles). Ultime volet d’une exposition dense comptant pas moins de 150 documents : l’irruption du graphisme, renouvelant l’interaction entre affiche typographique et engagement dans la cité. Une irruption représentée par le travail de Pierre di Sciullo, Procrastination générale, Maintenant c’est N’IMporte naWak, et Vincent Perrottet, Travaille d’abord, tu t’amuseras ensuite ! , épousant l’espace urbain, tout en cherchant le regard. Où domine le goût du jeu, un labyrinthe de sens, ricochant, rebondissant, moins l’ordre que l’invitation à penser, et pas moins d’engagement. C’est là un travail réduit à seulement quelques œuvres exposées. Pour le coup, ce dernier volet semble placardisé.
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