Ces citoyens qui hébergent des sans-papiers
Stéphanie et Hélène racontent comment elles en sont venues à exercer ce qu’elles estiment être un devoir de solidarité.
dans l’hebdo N° 1237 Acheter ce numéro
« Ça tombait sous le sens »
« C’était ça ou la rue : je ne me suis même pas posé la question, ça tombait sous le sens, confie Stéphanie, 38 ans, prof de français à Paris. J’ai bien vu aux réactions autour de moi que ça n’allait pas de soi : “Tu les fais dormir avec tes enfants ?” Mais c’étaient des gamins de 14 et 15 ans ! Je les connaissais via la permanence du Réseau éducation sans frontières (RESF), que j’ai rejoint il y a un an. Je les suivais dans leurs démarches. Ils étaient malien et guinéen, arrivés à Paris depuis peu. Ils avaient été logés par France Terre d’asile, puis l’Aide sociale à l’enfance avait refusé de les prendre en charge à la suite de tests osseux concluant qu’ils étaient majeurs. Ces jeunes avaient des papiers mais étaient sans titre de séjour. Nous étions mi-août. Le premier n’était reconvoqué au tribunal qu’en janvier ! Le second, cela s’est fait un peu plus vite. Pour les deux, cela signifiait plusieurs mois sans toit ni ressources. Je les ai aidés à s’inscrire au lycée. Pour la cantine, on a obtenu quelques mois d’aides. Pour les fournitures, je m’en suis occupée. Quand ils pouvaient, ils allaient en foyer ou en hébergement d’urgence. Ils étaient très gênés de venir chez moi. S’ils avaient pu rentrer dans un trou de souris, ils l’auraient fait. Je vis dans 40 m2, ils dormaient dans la chambre de mes enfants. La plus jeune a 3 ans, alors je couchais tout le monde à 20 heures ! C’étaient de drôles de conditions. J’étais soutenue par mon conjoint. La seule chose qui m’ennuyait, c’était les personnes qu’ils pouvaient fréquenter la journée. Ils avaient le code de chez moi. Mais tout s’est bien passé. Je le referai. »
« Une forme d’empathie »
« Je ne suis pas une grande militante, mais j’ai des principes, explique Hélène, étudiante de 22 ans. Aussi, quand ma mère m’a fait suivre le mail de RESF, je ne me suis pas posé de questions. Deux femmes et un homme, réfugiés du Daguestan, cherchaient un hébergement temporaire à Paris, le temps de passer au tribunal pour le jugement de leur demande d’asile. Or, j’ai la chance d’avoir un petit appartement dans la capitale. Ces personnes ont fui une région en guerre. Elles ont trouvé un refuge en France, certes, mais assorti d’un quotidien de peur. Sans pour autant être prêt à engager son énergie dans du militantisme, il y a des gestes simples que chacun peut faire. Je vis seule, j’ai de la place, les héberger m’a paru normal. On peut appeler ça de la solidarité, ou une certaine forme d’empathie, et les personnes qui en font preuve sont sans doute plus nombreuses qu’on ne le croit. Peu de temps après, RESF m’a informée qu’ils avaient obtenu leur statut de réfugiés. »