Danse avec les fafs
dans l’hebdo N° 1236 Acheter ce numéro
Ce dimanche, durant que des maniaques ultras manifestaient leur haine homophobe par milliers – non loin d’autres cortèges où l’FN et l’UMP, doigt dans le doigt, se mélangeaient aussi de cathos – et de quelques juifs and muslims –, j’ai soudain repensé à un collaborateur spécialement gratiné du journal d’un entrepreneur UMPiste. (Je tairai ici le nom de ce baroque personnage : il aime raconter, sur un mode tout orwellien, qu’il est un « anticonformiste », et serait à coup sûr navré, le pauvre bougre, qu’on dise trop nettement que son iconoclastie est une forgerie de niveau 9 sur l’échelle de l’Angsoc – et qu’il est en vérité aussi près du manche qu’il est possible de l’être, puisqu’aussi bien il reçoit tous les mois du pognon d’un élu sarkozeux qui semble n’aimer rien tant que de faire paraître dans ses pages, semaine après semaine, les chroniques, soclées dans les quelques dizaines de mots de son tout petit vocabulaire actif, où il exhibe ses ahurissantes névroses réactionnaires.)
Je repensais à lui, donc, car il m’est tout d’un coup revenu qu’il avait pondu, il y a de ça quelques années, un billet narrant qu’il avait regardé passer dans une rue de Paris une manifestation de soutien au peuple palestinien, et qu’il avait repéré, dans ladite, des drapeaux de l’Hamas (ou du Hezbollah, je me rappelle plus exactement), et que ça lui avait mis les boules au niveau des talons – mais qu’en même temps il en avait ressenti comme une espèce de début de profonde satisfaction, parce que bon, ça prouvait, d’après lui, que les gauchisses (de merde) sont genre ultra-compromis avec les extrémisses islamisses. (Vous l’avais-je pas dit, Herr Dupont, que les islamo-gauchisses sont rien que des gros(se)s crevures qu’il conviendrait d’éradiquer ?)
Or, après qu’il est devenu (très vite) évident que le défilé parisien de dimanche contre le mariage pour tous allait mettre sur le pavé, en sus de l’extrême droite plurielle façon Copen (possiblement coupée de quelques boutonneux abbés engoncés dans de frénétiques pratiques masturbatoires), tout (ou presque) ce que notre cher und vieux pays compte de néofascistes tarés, le même crâne parleur, beaucoup (beauuucoup) moins vigilant que dans les moments où il traque le fondamentaliste mahométan, a négligé de s’offusquer de cette promiscuité à venir, et de ce voisinage extrémiste – et cela, de vrai, n’avait rien d’étonnant, puisque tout aussi bien cela fait quelque temps déjà qu’il se trouve de régulières sympathies pour les happenings « identitaires » [^2] – le plus souvent islamophobes, mais homophobes tout aussi bien – qui désormais rythment l’actualité françousque.
Car ces gens de l’éditocratie « décomplexée » (qui osent désormais hurler ce qui naguère ne se grognait que dans les glauques recoins chauvins de la société) sont ainsi constitués que, par quelque morceau que tu les prennes (avec des gants, je t’en supplie), tu t’aperçois immédiatement qu’ils n’existent que par une constante tartuferie.
[^2]: Comme on dit pudiquement…
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.