Des primes d’objectifs pour les médecins

Une trentaine d’indicateurs évalueront et récompenseront les bonnes pratiques.

Noëlle Guillon  • 24 janvier 2013 abonné·es

Elles devraient tomber dans les trois mois à venir. Les premières primes « sur objectifs de santé publique » proposées aux médecins par la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) découlent de conventions signées avec les syndicats de généralistes et de cardiologues en 2011 et 2012. À ceux-ci devraient bientôt s’ajouter d’autres spécialistes. Pouvant aller jusqu’à 9 000 euros par an, ces primes tourneront autour d’un montant moyen de 4 500 euros. Les objectifs s’appuient sur une trentaine d’indicateurs qui concernent l’organisation du cabinet médical comme la pratique de la médecine : suivi de pathologies chroniques, prévention, dépistage, efficience… À quoi juge-t-on la performance d’un médecin ? Ce système est-il vertueux ou pervers ? « C’est une façon de sortir de la rémunération à l’acte, mal valorisée, avec un forfait pour financer de nouvelles activités », se réjouit Michel Combier, président de l’Union nationale des omnipraticiens français (Unof). Et de revaloriser les salaires des généralistes, qui sont bien en dessous de ceux du reste des médecins. C’est aussi une façon d’encourager certaines pratiques : dépistage du mélanome, suivi à la sortie de la maternité, prescription de génériques, etc.

Pour les patients, la vigilance s’impose. « L’un des indicateurs retenus est le taux de dépistage du cancer du sein. Mais il est plus délicat à pratiquer, par exemple, dans la cité des Francs-Moisins, à Saint-Denis, où je travaille, que dans d’autres quartiers », anticipe le Dr Didier Ménard, du Syndicat de la médecine générale (SMG). C’est une des limites du projet : les indicateurs ne prennent pas en compte les freins sociaux des populations. En Angleterre, où un tel dispositif existe depuis des années, les médecins se sont mis à sélectionner les « bons » patients, soit ceux dont les pathologies ou l’état de santé sont susceptibles de rapporter des primes. Sans rejeter en bloc le dispositif, le SMG s’interroge sur la légitimité de l’assurance maladie à définir des objectifs de santé publique. « Cela renvoie à une pure logique managériale », s’inquiète Didier Ménard.

À l’hôpital, il n’en est pas question. ** Si des rémunérations à la performance sur contrats ont été créées par la loi Hôpital patients santé et territoires de 2010, elles sont rares. En outre, « les primes individuelles ne vont pas dans le sens du Pacte de confiance pour l’hôpital lancé par la ministre de la Santé, Marisol Touraine », juge Laurent Heyer, du syndicat Avenir hospitalier. Ce pacte devrait d’ailleurs faire l’objet d’un rapport dans les jours prochains. Du côté de la médecine libérale, les acteurs de santé veulent laisser une chance à l’expérimentation, pourvu que les indicateurs évoluent. « Nous voudrions ajouter la valorisation du suivi de patients en situation précaire, la prévention au-delà des vaccins et une modulation en fonction du lieu d’installation des médecins, propose le Collectif interassociatif sur la santé (Ciss). Il y a là un levier pour lutter contre les déserts médicaux et les dépassements d’honoraires. » Pour l’heure, tous les médecins libéraux, avec ou sans dépassements, sont candidats.

Société Santé
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