« El Estudiante » : L’éveil d’une conscience
Le parcours initiatique d’un étudiant argentin dans l’univers politique.
dans l’hebdo N° 1237 Acheter ce numéro
Débarqué du sud de l’Argentine, Roque Espinoza arrive à Buenos Aires pour suivre un cursus universitaire de troisième année. Les premiers mois, il va en cours, écoute, arpente les couloirs. Paumé un tantinet. Dragueur plus aguerri. Il ne saisit pas encore bien l’endroit où il a atterri, effervescent, formé de plusieurs mouvements estudiantins. À côté de quelques succès féminins, la rencontre d’une jeune enseignante, ancienne communiste, cofondatrice d’un parti centriste, va modifier la trajectoire de l’étudiant.
Plus que dans les études, et quoique dénué de formation idéologique, Roque va trouver sa voie dans l’engagement politique (le désir politique succédant au désir amoureux, dans une même intimité). Décider, organiser, orchestrer les stratégies, négocier. Se confronter aux trahisons, aux revirements. Savoir dire non. Santiago Mitre filme ainsi une mutation. Un apprentissage et un passage, qui va jusqu’aux mouvements du corps, au fil des images plus sûrs, plus matures. De l’innocence à une conscience éveillée, aux responsabilités. La curiosité de ce premier long métrage de Mitre, tient en plusieurs points. Des cavalcades amoureuses qui sonnent justes, un tableau d’une jeunesse argentine à la fois festive et marquée par des années de dictature dont elle veut connaître les parts obscures. Surtout, véritable fiction, El Estudiante ne se dote pas moins d’une dimension documentaire. Puisant dans la réalité de l’université de Buenos Aires, institution majeure dans la capitale argentine. Salles de cours, assemblées générales, mouvements étudiants, remises en cause de l’enseignement par les étudiants (notamment sur l’impérialisme américain sur le continent, sous-estimé par le corps enseignant).
En toute discrétion, subtilement, le réalisateur livre des moments d’actualité forte de l’Argentine. Comme l’assassinat exigeant réparation d’un étudiant, militant d’extrême gauche, en octobre 2010, premier meurtre depuis le retour à la démocratie, visible sur les affiches couvrant les murs de l’université, ou la mort du président Néstor Kirchner. Autre trait de caractère du documentaire, et non des moindres : un commentaire, en voix off, sur le cheminement et les trajectoires politiques des personnages. Un accompagnement jalonnant le film, qui ne fait que surligner, dont pouvait amplement se passer le récit de ce parcours initiatique.