Ça peut bien sûr point être le même
dans l’hebdo N° 1242 Acheter ce numéro
- Il y a un an – presque jour
pour jour –, le 28 février 2012, un
certain Laurent Joffrin dénonçait
dans le quotidien Libération « ceux
qui demandent», comme des gros
salauds dégueulasses, «l’abolition »
du « respect de la vie privée » par
les journalistes (1).
De qui s’agissait-ce ? Qui étaient
au juste ces odieux abolitionnistes ?
Ce n’était pas dit. Mais ce Laurent
Joffrin profitait de l’occasion
pour marteler un concis mais
vif cours d’éthique : « Le droit à
l’intimité familiale, à la discrétion
sur sa vie sexuelle ou affective,
au secret sur tel ou tel aspect
de son comportement privé, fait
partie des droits élémentaires de
la personne », assurait-il – et je me
rappelle avoir trouvé ça tellement
beau que ça m’avait donné envie
de pleurer…
…Et que ça m’avait même
d’autant plus ému que le gars
ajoutait ensuite qu’ici, chez nous,
Dieu merci, « chacun » avait
« le droit de mener la vie qu’il mène
sans être sans cesse exposé au
jugement public», et que c’était
très bien comme ça, et que nous
avions intérêt à prier pour que
rien ne vienne modifier ce bel
équilibre, parce que sinon nous
verrions « se développer en France
l’équivalent de la presse Murdoch »
en Nangleterre – soit une presse
de merde « qui fait argent du viol
systématique de la vie privée et
couvre ses pratiques honteuses
des oripeaux mités de la liberté ».
-
Après ça, douze mois sont
passés et, il y a une semaine,
le Nouvel Observateur a consacré
sa couverture et plusieurs pages
d’un glauquissime dossier au
bouquin d’une certaine Marcela
Iacub, qui raconte dans le détail
sa liaison de plusieurs mois, en
2012, avec Dominique Strauss-
Kahn (2) – et ce « viol systématique
de la vie privée » et du droit « à la
discrétion » de chacun(e) « sur
sa vie sexuelle » était, je dois dire,
d’une dégueulasserie assez totale. -
Mais, lorsque le Monde
a ensuite demandé au directeur
du Nouvel Observateur pourquoi
il avait fait ça, le mec a répondu
– je cite : « Ça me fait rire, les leçons
de morale. D’un côté, on se plaint
que la presse va mal, de l’autre
côté, on crie au scandale quand
un hebdomadaire veut augmenter
ses ventes (3). » -
Et ce qui m’intrigue, c’est que
ce patron de presse qui reconnaît
donc qu’il voulu faire du pognon
en publiant un viol de vie privée
s’appelle (tu vas voir comme c’est
étonnant) Laurent Joffrin : il porte
donc exactement le même nom que
celui qui, un an plus tôt, manquait
de mots assez durs pour fustiger
la presse angliche pourrie qui fait
argent du viol de la vie privée. -
Mais à mon avis ça peut
pas du tout être le même Laurent
Joffrin, parce que bon, si le gars
prenait si fort les gens pour des c…
pour des sot(te)s, ça se saurait,
non ?
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.