Jean-Claude Mailly : « Un accompagnement des politiques d’austérité »
Selon Jean-Claude Mailly (FO), la philosophie du projet de loi est : la flexibilité, c’est maintenant ; les droits nouveaux, c’est demain, peut-être.
dans l’hebdo N° 1242 Acheter ce numéro
Très critique sur le contenu de l’avant-projet de loi qui sera présenté en conseil des ministres le 6 mars, le secrétaire général de FO appelle les parlementaires à en modifier les mesures les plus contestées.
Un avant-projet de loi transpose le contenu de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier, dit de « sécurisation de l’emploi ». Quelle est l’analyse de FO ?
Jean-Claude Mailly : Notre analyse n’a pas changé avec cet avant-projet de loi. Ainsi, le patronat a obtenu satisfaction sur les questions liées à l’accentuation de la flexibilité, avec notamment les accords dits de maintien dans l’emploi, une revendication essentielle déjà formulée du temps de Sarkozy quand on parlait des accords de compétitivité-emploi. Les accords de ce type ont toujours existé dans les entreprises. Mais le patronat a obtenu le retrait de dispositions du code du travail prévoyant que des salariés puissent refuser une modification de leur contrat de travail et que l’entreprise soit obligée de mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) contenant des garanties pour les salariés.
Cet avant-projet de loi a cependant modifié certaines mesures de l’accord. Qu’en pensez-vous ?
Un large mouvement contre l’avant-projet de loi se prépare pour mardi 5 mars, à l’appel de la CGT et de FO, non signataires de l’accord. Les deux confédérations, rejointes par la FSU et Solidaires, ont appelé à des rassemblements, manifestations et arrêts de travail. À Paris, une manifestation est prévue à partir de 14 heures, de la place du Châtelet à l’Assemblée nationale.
Des associations, syndicats et partis de gauche réunis dans un collectif ont lancé le 19 février un appel unitaire intitulé : « Un ANI qui nous veut du mal » (qui peut être signé sur www.politis.fr).
Vous êtes cependant très critique sur l’ensemble de l’avant-projet de loi…
Si nous appelons à manifester le 5 mars, c’est à la fois contre le contenu de l’accord et contre sa transposition en loi. Les mesures concernant le PSE et le maintien de l’emploi et celles entraînant un risque d’affaiblissement des CHSCT [comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. NDLR] sont destructrices de droits pour les salariés. Pour résumer, avec cet accord, la flexibilité, c’est maintenant ; les droits nouveaux, c’est demain, peut-être… Les droits dits nouveaux sont sous conditions et l’on n’est pas sûr qu’ils s’appliqueront. En revanche, les nouveaux processus de flexibilité s’appliqueront très rapidement. On ne peut pas analyser le texte soumis au Parlement sans parler du contexte général de mise en œuvre du pacte budgétaire européen. On entre dans la seringue de l’austérité et des rigidités économiques : il faut réduire les dépenses publiques et les dépenses sociales ; il faut ramener le plus rapidement possible le déficit public à 3 % du PIB. À partir de là, les variables sont essentiellement les dépenses sociales et la flexibilité. C’est donc un avant-projet d’accompagnement des politiques d’austérité, dans un contexte de crise profonde du système capitaliste.
Une large mobilisation est annoncée contre l’accord du 11 janvier. Qu’attendez-vous du Parlement ?
Pour moi, c’est une question de conception de la démocratie républicaine. Soit cet ANI nécessite des modifications législatives, comme c’est le cas ; soit il n’en nécessite pas, et par conséquent il ne s’applique qu’avec ceux qui l’ont signé. Si on veut le généraliser, on devra demander ce que l’on appelle une procédure d’extension. Dans le cas présent, des modifications législatives sont prévues sur certains points, ce qui veut dire qu’il faut un projet de loi qui doit faire l’objet d’un débat au Parlement. Je n’accepte pas l’idée que les députés n’aient pas le droit de toucher à cet accord. J’ai expliqué aux parlementaires que ce que l’on retiendra dans les prochaines années, ce n’est pas l’accord du 11 janvier, mais la loi. Ils n’ont pas à s’automutiler sur leurs responsabilités. Sinon, cela signifie que ce sont le patronat et les syndicats qui font la loi dans le domaine social. Cela s’appelle le corporatisme politique.