Marie-Pierre Vieu : « Notre camp, c’est la gauche »

Conscients que le PS veut réduire leur influence, les communistes ne s’imaginent pas un avenir hors du Front de gauche. Rencontre avec Marie-Pierre Vieu.

Michel Soudais  • 7 février 2013 abonné·es

Le 36e congrès du PCF s’ouvre ce jeudi à Aubervilliers. Il va conforter l’engagement des communistes dans le Front de gauche, explique Marie-Pierre Vieu, membre du collège exécutif du Parti communiste.

Ce congrès paraît moins passionné que les précédents, serait-il dénué d’enjeux ?

Marie-Pierre Vieu : Effectivement, il n’y a pas de combats internes « acharnés ». Il n’en est pas moins un congrès extrêmement important : le PS, désormais aux affaires, assume une ligne sociale-libérale ; les communistes et le Front de gauche, restés hors majorité gouvernementale, ont un rôle central à jouer, entendant obliger la gauche à tenir son rôle historique. Notre dernier congrès, fin 2008, portait sur la décision de nous engager dans une stratégie des fronts, et sur les transformations du parti. Avec d’autres, j’y avais porté l’idée de « métamorphose » du PCF, c’est-à-dire la construction d’une nouvelle fonction communiste. Depuis, il y a eu les départs de camarades dont je me sentais proche, aujourd’hui présents dans la Fase ; l’engagement du PCF dans le Front de gauche, l’élection de Pierre Laurent ; la présidentielle, les quatre millions de voix de Jean-Luc Mélenchon ; puis les législatives… Tout cela a conduit les communistes à évoluer. L’enjeu de ce congrès est donc moins un enjeu de direction ou d’affirmation d’une ligne politique que de nous permettre d’approfondir ces orientations.

Malgré l’arrivée de 7 000 nouveaux l’an dernier, le nombre d’adhérents a encore légèrement diminué depuis la dernière consultation des communistes en juin 2011. Est-ce une préoccupation ?

Ce chiffre correspond au nombre réel de cotisants. Il y a un vrai mouvement de nouvelles adhésions, notamment des jeunes, des retours d’ex-communistes. Cela témoigne de tout ce qu’a réalisé le Parti communiste ces dernières années, de la plus-value que constitue pour lui son engagement dans le Front de gauche. Cependant, la question de l’affirmation du communisme comme force propulsive et parti d’avenir est toujours devant nous. C’est à ce communisme de nouvelle génération que nous travaillons.

Le Front de gauche est-il définitivement l’horizon d’action du PCF ?

On est entré de plain-pied dans le Front de gauche en passant d’un rassemblement électoral à un véritable mouvement, en constante évolution. En témoigne l’entrée récente de la Gauche anticapitaliste et des Alternatifs. Nous visons à faire bouger le rapport de force idéologique, politique et culturel, à donner une vocation majoritaire à une politique de progrès, clairement antilibérale. Dans la campagne anti-austérité, nous voulons mobiliser et gagner des pans du PS et d’EELV, développer des convergences avec le mouvement social et des associations. Pour le PCF, le Front de gauche constitue un levier essentiel de l’alternative politique. Cela ne nous empêche pas d’avoir une autonomie de réflexion et d’action, comme l’ont les autres composantes du Front de gauche. Il y a des débats et des tensions au sein du Front de gauche, et c’est normal ; mais nous nous employons, avec nos partenaires, à construire une culture commune. La question n’est pas pour les communistes d’être hégémoniques dans le Front de gauche, mais d’être utiles à ce rassemblement pour aider à la mobilisation des forces du changement, qui existent dans le pays. D’où le besoin pour mon parti de se renforcer pour être capable d’aborder des questions nouvelles. Par exemple, on ne peut concevoir l’appropriation sociale et les nationalisations comme il y a trente ans. Ce sont des enjeux comme ça qu’il faut travailler. C’est plutôt passionnant.

Y a-t-il un risque d’explosion du Front de gauche ?

Je ne le crois pas. Si cela se produisait, la gauche tout entière serait amputée car elle ne pourrait plus remplir demain le rôle qui est le sien.

Votre positionnement par rapport au PS n’a-t-il pas évolué très vite ces derniers mois ?

Il n’y a jamais eu de notre part l’envie de pousser à l’échec ce gouvernement. Nous avons décidé de ne pas y participer parce que nous avions des désaccords persistants, notamment sur la question européenne, qui conditionne les marges de manœuvre de la politique nationale. Le gouvernement a fait depuis le choix de l’austérité. Nous n’avons pas durci le ton, c’est le gouvernement qui a durci sa politique, décidé de ne pas affronter la finance, abandonnant une partie grandissante de ceux qui l’ont élu. Je pense à l’accord récent sur l’emploi niant une partie importante de la représentation syndicale et salariée au profit du Medef. Nous, nous essayons de garder un cap juste, celui du changement. Quand nos parlementaires doivent s’abstenir ou voter contre des réformes, cela ne nous fait pas plaisir. Mais nous tenons un langage de vérité, cherchons à créer les conditions d’un rassemblement capable d’infléchir les choix actuels et d’ouvrir une autre alternative à gauche. Sans nous enfermer dans une petite gauche.

Ne craignez-vous pas que ce divorce avec le PS vous coûte cher aux municipales ?

Dans un contexte où le PS veut réduire notre influence ou nous faire passer sous les fourches caudines de sa ligne politique, nous voulons affirmer les contours de politiques municipales de résistance à l’austérité – municipalisation d’un certain nombre de services comme l’eau, politiques de haute teneur sociale comme sur le logement, etc. – dans un rassemblement large et citoyen. Nous voulons empêcher la droite et l’extrême droite de reprendre des municipalités, de gagner du terrain. Car ces élections seront d’abord un affrontement droite-gauche qui nous intime de travailler à l’horizon de toute la gauche.

Quand le PS vous menace de sanctions aux municipales, que répondez-vous ?

Si le PS préfère déclarer la guerre à la gauche que s’attaquer à qui de droit, qu’il ne s’étonne pas, à l’arrivée, si le rassemblement ne s’opère pas aussi facilement qu’il le devrait, ou pire s’il perd des municipalités. Pour nous, pas d’ambiguïté, notre camp, c’est la gauche. Mais nous estimons aussi important de conduire de bonnes politiques. Aux municipales, les communistes sont attachés à préserver les villes qu’ils dirigent, à conserver leurs élus, et à gagner des villes, des élus communistes et Front de gauche dans le maximum de municipalités. Pas par esprit boutiquier, mais parce que ce sera autant de points d’appui pour les gens qui se battent aujourd’hui.

N’existe-t-il pas un clivage au sein de votre parti entre les élus, assez souples avec le PS, et une base qui souhaiterait n’avoir rien avoir à faire avec lui ?

Les élus communistes et le Front de gauche sont extrêmement importants pour les mobilisations dans la création des rapports de force. Cela fait longtemps que nos élus sont en résistance dans les collectivités locales, hier contre les politiques de Sarkozy et le gel des dotations d’État, aujourd’hui pour arracher moyens et pouvoirs pour de vraies politiques publiques. Ils sont déterminés à avoir des leviers d’action. On n’en est plus au temps où les élus étaient une entité séparée des militants.

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