Réforme bancaire : La fronde n’aura pas lieu
À la veille de l’examen du texte à l’Assemblée, les députés socialistes, mécontents de sa première version, semblent se satisfaire des petites avancées obtenues en commission.
dans l’hebdo N° 1240 Acheter ce numéro
Promis par François Hollande, le projet de réforme bancaire est examiné par l’Assemblée nationale depuis le 12 février. Mais, contrairement à ce qu’avait annoncé le candidat socialiste durant la présidentielle, le texte ne va pas jusqu’à séparer les banques de dépôts et celles d’affaires. Il se contente d’imposer aux banques de loger leurs activités spéculatives dans une filiale ad hoc et interdit les activités les plus spéculatives, comme le trading haute fréquence (ordres boursiers passés en rafale par des machines) et la spéculation sur les marchés agricoles. Un recul qui a animé les discussions du bureau national du PS le mois dernier, et fait tousser bien des députés socialistes, tous courants confondus. Surtout les plus au fait des pratiques bancaires, car la technicité du sujet échappe au plus grand nombre. Mécontents de voir la montagne accoucher d’une souris, ces parlementaires menaçaient de corriger le texte lors de son examen au palais Bourbon. Au point que le président du groupe socialiste, le très mesuré Bruno Leroux, promettait, il y a une dizaine de jours, d’ « aller plus loin » dans la réforme bancaire. Une semaine avant le début de son examen en séance, l’heure n’était déjà plus à la fronde. « Le gouvernement a fait le choix de ne pas séparer mais de filialiser les activités spéculatives, on travaille dans ce cadre », nous confiait le député de Paris Pascal Cherki, avant une réunion de la commission des finances, le 6 février. Pour ce proche de Benoît Hamon, l’enjeu du débat n’était déjà plus qu’ « une question de curseur ». Puisque le gouvernement crée des filiales, il s’agissait de « les meubler » afin qu’elles ne soient « pas des appartements vides ».
Trois cents amendements, déposés essentiellement par des députés de gauche, étaient sur le bureau de la commission des finances. Sans surprise, celle-ci a rejeté un amendement des écologistes visant à séparer totalement activités de dépôt et activités d’affaires. Ainsi que les amendements du socialiste Jean Launay et du communiste Nicolas Sansu sur la spéculation concernant les matières premières agricoles. En revanche, elle a adopté un amendement prévoyant « un cadre strict pour que les établissements de crédit ne qualifient pas de “tenue de marché” des opérations en réalité spéculatives ». Les activités de « tenue de marché » constituent un service de la banque à son client car elle se charge d’assurer des mouvements sur ses produits financiers. Un autre amendement retenu permet au gouvernement d’élargir le périmètre des filiales dans lesquelles seront cantonnées les activités spéculatives ou les activités pour le compte propre des banques. Il donne le pouvoir au ministre de l’Économie de fixer un seuil à partir duquel les activités de tenue de marché pourront être filialisées. Très critique sur le projet initial du gouvernement, le député Christian Paul y voit « une avancée substantielle qui donne au pouvoir politique un outil de régulation ». Sans garantie toutefois qu’il s’en serve puisque ce n’est qu’une possibilité. Autre nouveauté : les pertes de la filiale regroupant les activités spéculatives ne seront pas couvertes par le groupe bancaire, selon un amendement PS.
La transparence sur les activités dans les paradis fiscaux faisait l’objet de plusieurs amendements. C’est celui porté par Éric Alauzet et Éva Sas qui a été retenu pour contenter les écologistes. Il prévoit, dès l’exercice 2013, la publication par les banques d’une liste de leurs activités, pays par pays, comprenant notamment le nom et la nature d’activité, le produit net bancaire et les effectifs en personnel. Mais pas le bénéfice net qui « aurait donné des informations sur la stratégie d’optimisation fiscale des banques elles-mêmes », reconnaît Éva Sas. Mardi 12 février, avant l’ouverture des débats dans l’hémicycle, les députés de la majorité étaient déjà satisfaits d’avoir pu mettre leur empreinte sur le texte. « Grâce au travail en commission avec le gouvernement, le texte a évolué de manière favorable », s’enthousiasmait le socialiste Yann Galut. Certains continuaient de plaider pour de nouvelles « avancées » dans l’hémicycle. « En l’état actuel, le projet de loi reste en deçà des objectifs fixés par le Président », estimaient lundi, dans un communiqué, Razzy Hammadi et Pascal Cherki. Ce dernier nous avait néanmoins déclaré, le 6 février : « À l’arrivée, de toutes les manières, je le voterai car ce texte améliore la situation existante. »