À Montpellier, les habitants du Petit-Bard « n’en peuvent plus »

Le petit quartier en cours de rénovation, qui abrite une importante copropriété délabrée, a reçu la visite du ministre délégué à la Ville, samedi 2 mars. Le point avec le porte-parole de l’association Justice pour le Petit-Bard.

Erwan Manac'h  • 4 mars 2013
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À Montpellier, les habitants du Petit-Bard « n’en peuvent plus »

Le ministre délégué à la Ville François Lamy était en visite, samedi 2 mars au matin, à Montpellier, dans le petit quartier populaire du Petit-Bard.

Il a été reçu par l’association Justice pour le Petit-Bard, créée en 2004 après le décès d’un habitant dans un incendie. Le drame avait provoqué dans le quartier une importante mobilisation, face à l’état de délabrement inquiétant des logements et contre les syndics peu scrupuleux qui ont laissé la copropriété dans une situation critique de surendettement.

Hamza Aarab est porte-parole de l’association Justice pour le Petit Bard. Il livre un constat amer sur le déroulement du programme de rénovation urbaine dans ce quartier d’environ 4 000 habitants et dénonce le manque de reconnaissance des collectivités pour les associations du quartier, pourtant actives.

Où en est le dossier des copropriétés endettées ?

La soixantaine de propriétaires qu’il reste aujourd’hui doivent encore rembourser environ 100 000 euros de dette. Nous avons demandé au ministre que cette ardoise soit effacée, car la dette pèse lourdement sur les habitants. Une majorité des propriétaires occupants ont dû vendre leur logement pour une somme misérable, car les charges devenaient intenables.

Or, les copropriétés sont endettées à cause de syndics véreux qui ont détourné des millions d’euros sans être inquiétés par la justice. Aujourd’hui, les marchands de sommeil continuent leurs magouilles en toute impunité et les risques sont encore importants pour les familles à cause de l’état de délabrement important de certains immeubles.

Quartier du Petit-Bard - Google map

De l’argent a été investi au Petit-Bard depuis 2004, dans le cadre du plan de rénovation urbaine. Ce n’est pas suffisant ?

Ne n’en voyons pas la couleur. Nous demandons la mise sous tutelle du plan de rénovation urbaine, avec une commission qui puisse surveiller la façon dont l’argent est dépensé. Car il y a beaucoup de choses anormales. On construit, par exemple, un bâtiment non destiné aux habitants du Petit-Bard, alors que ceux-ci ont d’énormes problèmes de logement. La destruction d’un immeuble rue des Trolles a aussi coûté énormément d’argent . Nous sommes favorables à ces destructions, mais nous demandons des documents officiels pour surveiller la façon dont les travaux sont menés. Nous n’avons obtenu aucune réponse.

Pour ne rien arranger, il y a une guerre interne au PS, qui se cristallise sur le projet de rénovation du Petit-Bard. Les frêchistes s’opposent aux soutiens d’Hélène Mandroux, l’actuelle maire de Montpellier. Cette dernière veut en faire un affichage, elle est pressée de régler les choses en façade, quitte à racketter les propriétaires occupants pour libérer des places locatives. Et les habitants dont le logement a été rénové se plaignent de la qualité très médiocre des travaux.

De l’autre côté, Georges Frêche [aujourd’hui décédé] s’est toujours opposé à la rénovation du Petit-Bard. Et, surtout, l’office HLM ACM-Opac, dirigé par Claudine Frêche, la veuve de Georges Frêche, ne joue pas du tout le jeu du relogement. Un rapport de l’Agence nationale de rénovation urbaine en témoignait, en 2011, en pointant notamment la lenteur des procédures.

L’ACM-Opac envoie les gens dans des quartiers aussi pourris que le Petit-Bard, avec de nombreuses aberrations. Ainsi ce couple qui ne touche que le RSA, et à qui on a proposé un logement à 650 euros par mois. Or, lorsqu’elles refusent, les familles sont exclues du plan de relogement.

Dans le même temps, les demandes de logement « de droit commun » ne sont plus prises en compte. Il y a des familles de 12 personnes qui habitent dans un T4 et n’obtiennent aucun logement. Certaines attendent depuis trente ans. On est obligés de batailler pour chaque demande afin de nous faire entendre.

En 2010, nous avons occupé la Maison pour tous avec 38 familles de la rue des Trolles [aujourd’hui détruite], parce que 3 incendies s’étaient déclarés en deux semaines. Après presque deux mois d’occupation, le bailleur est venu avec 25 propositions de logement. Ce n’est donc pas une question de pénurie.

Illustration - À Montpellier, les habitants du Petit-Bard « n’en peuvent plus »

Avez-vous évoqué d’autres questions avec le ministre délégué ?

Oui, nous interpellons les politiques depuis des années à propos des jeunes qui sont en échec scolaire et qui se retrouvent livrés à eux-mêmes dans le quartier, sans aucune structure pour les accueillir. L’argent de la politique de la ville [^2] ne va qu’aux structures « copains-copines » qui ne font strictement rien pour ces jeunes ou seulement pour ceux qui n’ont pas de difficultés.

Il existe pourtant des structures créées par des habitants, qui prennent leurs responsabilités depuis des années face à ces problèmes. Mais les associations de quartier ne récoltent que des cacahuètes. Nous avons retapé nous-mêmes une salle de classe saccagée par des jeunes du quartier, puis nous avons monté un projet de camp ski avec 40 gamins. Mais ce sont des entreprises qui sponsorisent le projet.

Nous ne demandons pas une politique d’exception, nous voulons simplement être traités de la même manière que tout le monde. Les habitants n’en peuvent plus. Tout le monde craque, car ces problèmes durent depuis trop longtemps. Je pense que si rien n’est fait, les gens vont entendre parler du Petit-Bard. On a tiré une dernière fois la sonnette d’alarme, les politiques ne pourront pas dire qu’ils n’étaient pas au courant.

  • Le reportage de France 3 Languedoc Roussillon sur la venue du ministre délégué à la Ville, avec l’interview d’Hamza Aarab.

[^2]: En particulier des contrats urbains de cohésion sociale

Société
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