Entrons enfin dans l’ère du biolithique !
Pour éviter le chaos, les pays riches doivent organiser une pensée positive de la sobriété.
dans l’hebdo N° 1244 Acheter ce numéro
Journaliste au Monde, Hervé Kempf s’est attaché un public bien au-delà de l’Hexagone depuis Comment les riches détruisent la planète (Seuil, 2007) et les opus suivants. Avec Fin de l’Occident, naissance du monde, il poursuit son travail de sape d’une pensée capitaliste qui s’échine à ignorer ou à contourner le mur écologique. Quelle issue dans cette collision ? Une nouvelle humanité, souhaite-t-il, puisant satisfaction non plus dans l’accumulation écervelée de biens, au prix de sa destruction, mais dans un nouveau projet planétaire : clore le néolithique, ère de la domination de la nature, pour entrer dans le « biolithique », celle de l’harmonie avec les forces de la vie. Il y a vingt-cinq ans, Hervé Kempf utilisait ce terme pour décrire la révolution métabolique qui guettait un homo sapiens artificialisé par les biotechnologies. Il le promeut aujourd’hui au rang d’objectif de civilisation.
Cet essai d’écologie politique s’appuie sur la constatation que l’Occident est pris en tenaille : la croissance, moteur de son capitalisme, est en panne, et il assiste au rattrapage rapide de son niveau de vie par les régions émergentes (pour les classes aisées, à tout le moins). Et l’épuisement des ressources interdit tout retour à son hégémonie économique, brève période historique en cours de conclusion, tableau que l’auteur brosse avec pédagogie. Or, sous la pression de cette grande convergence planétaire en cours, les pays riches se contentent de ruses dilatoires face à la réalité physique de la crise écologique. Qu’il s’agisse de tentatives de réformes (marchandisation de la nature, austérité budgétaire, etc.) ou de la fuite en avant (extraction d’énergies fossiles non conventionnelles, accaparement des terres…), la violence monte. Pour éviter le chaos, il faut organiser une pensée positive de la sobriété, avance Hervé Kempf, qui dégage trois axes stratégiques : la reprise du contrôle de la finance, la réduction des inégalités, l’écologisation de l’économie. C’est une mutation « post-capitaliste », définit l’auteur, qui n’en fait pas une fixette idéologique mais une nécessité historique. L’humanité, pour survivre dans la dignité, devra abolir le chômage, reconstruire une agriculture paysanne, inventer une industrie de la sobriété, promouvoir les biens communs et la révolution culturelle qui va avec, remettre l’activité scientifique au service de l’intérêt général.
L’auteur va plus loin. « L’individualisme hystérique » et « la course à l’illimitation matérielle » devenus obsolètes, pourrait s’épanouir à l’ère du biolithique une démocratie rénovée et généralisée, apaisée et plus empreinte de spiritualité. Un nouvel « universel », non plus dérivé de la pensée occidentale, mais émergeant du principe humaniste d’équité sociale et écologique.