Swimming Pool
dans l’hebdo N° 1246 Acheter ce numéro
Immédiatement après que Nicolas Berluscony [^2] a été mis en examen, un empressé salarié du Journal du Dimanche (propriété d’Arnaud Lagardère, qui aime à se présenter comme un « frère » de Nicolas Berluscony) s’en est allé ventre à terre recueillir la réaction de l’avocat de Nicolas Berluscony, qui produit, pour la défense de son client, un argument dont la force justifierait selon moi qu’icelui soit dans l’instant lavé de l’infamant soupçon qu’il aurait, comme le croit l’outrecuidant juge qui l’a outragé, menti et rencontré Liliane Bettencourt deux fois en février 2007 – au lieu d’une, comme il a toujours dit. Selon cet avocat, neffet : Nicolas Berluscony a « gardé scrupuleusement tous ses agendas depuis quinze ans, parce qu’il n’a rien à cacher ». De sorte qu’il a aussi conservé son agenda de l’année 2007, et l’examen détaillé de cette pièce essentielle n’autorise guère qu’une seule et unique conclusion : Nicolas Berluscony n’a pas rencontré Liliane Bettencourt au jour que prétend l’indigne magistrat, puisque son agenda ne mentionne absolument pas cette rencontre. (Prends donc ça dans tes toutes petites dents, juge Gentil.)
L’intéressant, ici, est que cette prodigieuse démonstration n’a pas seulement pour effet qu’elle innocente définitivement Nicolas Berluscony : elle devrait, de surcroît, durablement révolutionner maints petits métiers. Imaginons en effet que Dédé le Corsico planifie de braquer mardi 35 avril à 16 heures l’agence bancaire du coin de sa rue : est-ce qu’il va bêtement se contenter de s’équiper d’une cagoule et d’un fusil à pompe, façon freeze, motherfuckers, ou j’arrose tout ce qui bouge – comme cela se faisait avant que l’avocat de Nicolas Berluscony n’invente la défense agendique ? Nenni, Rémy.
Dédé le Corsico, s’il a un peu de jugeote (et tel est d’après moi le cas), va principalement s’équiper d’un Quo Vadis journalier, où il va noter à l’encre indélébile et à la page du 35 avril : « Today, à 16 heures, je vais au cinéma, je vais voir un film de François Ozon à l’UGC Porticcio, je suis bien content. » De sorte que si (par une pénible malchance) Dédé se fait ensuite serrer, il lui suffira, pour se blanchir, de produire cette irréfutable preuve de son innocence – c’est pas moi que j’ai braqué le Crédit insulaire, puisque ce jour-là, gadez bien : j’étais au cinoche, je suis allé voir Swimming Pool. (Con de juge.) Merci qui ?
[^2]: L’ancien chef de l’État français, tu te rappelles ? Çui qui se choisissait des ministres de l’Intérieur spécialement râpeux, alors que maintenant, hein ? Maintenant que c’est le « socialiste » Françoizollande qui a été mis dans l’Élysée, M. Valls – qui sait se tenir, lui – ne répète jamais plus d’une ou deux fois par mois que les mahométan(e)s doivent urgemment apprendre à contenir leurs pulsions jihadistes, ou que les Roms sont quand même un peu indignes des avantages en nature que la République leur consent si généreusement. Le changement, tu diras ce que tu voudras : ça fait quand même du bien par où que ça passe.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.