Emploi : une réforme sans les formes

Michel Sapin a lancé une réorganisation de l’inspection du travail, utilisant des méthodes qui ont peu à voir avec le dialogue social.

Thierry Brun  • 4 avril 2013 abonné·es

Le dialogue social prôné par Michel Sapin est au plus mal au ministère du Travail. Surtout depuis que le ministre a lancé, en décembre, une vaste réforme de l’inspection du travail. Une récente note confidentielle sur le climat dans le ministère, dite de « veille sociale », témoigne des relations exécrables entre les autorités et les quelque 2 300 agents qui doivent contrôler 1,8 million d’entreprises et 18 millions de salariés alors qu’ils sont en sous-effectif. « Le mouvement de reconstruction pour un “ministère du Travail fort” », souhaité par le ministre, induit « la mobilisation des agents et des représentants du personnel » pour accompagner les changements, proclame dans cette note Joël Blondel, un des hauts fonctionnaires de la direction générale du travail.

Choquée par les termes employés , la CGT y voit une « injonction », comme elle l’écrit dans une lettre ouverte adressée à Michel Sapin [^2]. Le syndicat demande le retrait de la note, dont les consignes, transmises aux directeurs régionaux et départementaux du travail, n’ont rien à voir avec un « processus nourri de concertation ». Le « ministre souhaite que les situations individuelles ou collectives des agents susceptibles d’interférer avec le fonctionnement normal de services fassent l’objet d’une communication dans les délais les plus brefs », poursuit Joël Blondel. Pour que le message soit reçu sans ambiguïté par les directions, un mode d’emploi a été joint à la note, indiquant que « les personnes concernées devront être citées, l’origine de la situation devra être mentionnée, les circonstances devront être décrites ». En clair, le ministère du Travail « organise le fichage des syndiqués et des agents », pointe la CGT. « Notre administration ne veut pas d’une inspection du travail indépendante et compétente sur l’ensemble du code du travail », réagit Yves Sinigaglia, inspecteur syndiqué à SUD. Le ministère veut « caporaliser l’inspection du travail et limiter ses interventions. Nous sommes dans un contexte marqué par un recul sans précédent du droit du travail, avec un gouvernement qui se fait le relais zélé des desiderata du patronat, comme en témoigne notamment l’accord national interprofessionnel du 11 janvier ». Autres signes d’un climat social détérioré, le ministère refuse « de soumettre aux agents et aux organisations syndicales les projets de réforme de l’inspection envisagés par la direction générale du Travail et le cabinet du ministre », souligne SUD. Et la note confidentielle a été diffusée alors que Michel Sapin doit décider de « sanctions contre des agents […] confrontés à la pression hiérarchique et aux manques d’effectifs et de moyens de toutes sortes », qui n’ont pas utilisé le nouvel outil de saisie informatique de l’activité individuelle, relève la CGT. À quand un changement de méthode pour la réforme ?

[^2]: « Non au fichage ! », lettre ouverte adressée à Michel Sapin datée du 26 mars.

Travail
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