Encore un aéroport de trop !

En dépit du risque financier, le conseil général du Jura veut accroître les liaisons aériennes au départ de Dole-Tavaux. Les opposants se mobilisent.

Patrick Piro  • 25 avril 2013 abonné·es

Trop cher pour les contribuables, destructeur pour le climat et les droits sociaux… Les opposants jurassiens manifesteront samedi 27 avril contre la relance de Dole-Tavaux, « l’aéroport de trop ». Décentralisation oblige, l’équipement a été cédé en 2006 par l’État au conseil général du Jura, qui tente l’aventure seul : la Région Franche-Comté juge la concurrence locale rédhibitoire, quand Bâle-Mulhouse (au nord) ou Lyon-Saint-Exupéry (au sud) aspirent des millions de passagers par an, et que l’aéroport de Dijon-Longvic n’est distant que de 45 kilomètres. Un rapport de la Cour des comptes de 2008 estime qu’un aéroport régional ne devient rentable qu’à partir de 800 unités de trafics (UDT) [^2], expliquent les opposants, qui critiquent un pari économique douteux au-delà des classiques objections écologistes. Jusqu’en 2011, Dole-Tavaux, avec 3 500 passagers et 1 300 tonnes de livraison postale par an (et un fret quasi nul), n’atteignait pas 20 UDT…

Pourtant, la situation vient de changer. Depuis un an, l’aéroport a vu passer près de 45 000 passagers ! La raison : l’arrivée de la compagnie à bas prix Ryanair, qui a lancé entre autres une ligne Dole-Porto, dont le succès a dépassé les prévisions. Une liaison avec Londres vient d’ouvrir et d’autres sont à l’étude. Ce décollage a démenti les prédictions des opposants, reconnaît Pascal Blain, vice-président régional de France Nature Environnement. « Cependant, la rentabilité est toujours aussi hors de portée, rien ne change sur le fond. » Christophe Perny, président socialiste du conseil général du Jura depuis 2011, rejette « une poignée de voix critiques » au nom d’une gestion responsable. « Dénoncer le contrat du délégataire [^3] nous aurait coûté six   millions d’euros. Si l’aéroport n’existait pas, je ne l’aurais pas inventé ! », affirme-t-il, rappelant s’être abstenu quand la droite, alors majoritaire, avait voté la reprise de l’aéroport. « Et je me bats aussi pour le ferroviaire. Or, il n’est plus question aujourd’hui de tracé à grande vitesse pour nos territoires. » L’affichage du pragmatisme ne convainc pas les opposants, qui relèvent que 14 millions d’euros d’investissements ont été prévus. Et puis la récente tentative d’ouvrir une desserte Dole-Orly, avec 370 000 euros de subvention du conseil général, a choqué plusieurs organisations politiques, syndicales et de défense des consommateurs – EELV, CGT, UFC-Que choisir, CLCV… « Stupeur et indignation face à ce mauvais coup porté au rail », réagit la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut), qui rappelle s’être battue pour maintenir des dessertes locales par les TGV Paris-Suisse, « et que la SNCF serait ravie de supprimer si le rapport de force politique s’affaiblissait », soutient Pascal Blain.

Le projet a cependant été reporté, faute de créneaux horaires disponibles à Orly. Une opportunité pour faire machine arrière ? Christophe Perny reconnaît à demi-mot une erreur, d’autant que le Doubs serait prêt à soutenir l’aéroport à condition que la liaison Dole-Orly soit enterrée. Car, plus que les efforts pour attirer les compagnies à bas coûts (les seules intéressées, moyennant subventions) et l’élargissement de l’offre de destinations, la course aux financements publics reste cruciale pour la survie de l’aéroport. La Région, où la présence d’EELV pèse, traîne des pieds. La petite subvention de 150 000 euros qu’elle a votée en 2012 n’a pas été versée parce que le bénéficiaire n’a pas établi qu’elle respectait la réglementation européenne [^4]. Christophe Perny ne doute pourtant pas qu’un « partenariat » s’établira. « La Région subventionne bien les TER : cela ne me gêne pas de défendre que l’aéroport remplit une mission de service public, promoteur de développement et de dynamisme. Les habitants n’ont pas envie de vivre dans une réserve d’Indiens et sans travail. » La croissance du transport aérien a créé une quarantaine d’emplois depuis un an, indique-t-il. Les opposants rétorquent qu’ils tiennent à disposition des projets écologiques où les millions investis seraient largement plus rentables pour l’économie locale.

[^2]: 1 UDT pour 1 000 passagers ou 100 tonnes de charge (fret ou Poste).

[^3]: une société partagée entre Keolis (51 %) et la chambre de commerce et d’industrie du Jura (49 %).

[^4]: Bruxelles enquête sur la légalité des aides perçues par Ryanair.

Écologie
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