La belle santé des renouvelables

Malgré la crise économique et un fléchissement des investissements en 2012, l’éolien et le photovoltaïque continuent de battre des records dans le monde. La Chine en tête, aux prises avec d’énormes pollutions.

Patrick Piro  • 11 avril 2013 abonné·es

C’est insolite vu de la France, toujours à la traîne en la matière : les énergies renouvelables persistent à afficher des taux de croissance mondiaux insolents. Avec l’éolien à pleine puissance, comme le relève l’observatoire états-unien Earth Policy Institute (EPI) ^2 : en 2012, il s’est installé 45 gigawatts (GW) de puissance éolienne dans le monde, 19 % de croissance en un an, portant le parc mondial à plus de 280 GW, produisant autant d’électricité que 85 réacteurs nucléaires. Cette énergie renouvelable couvrirait l’équivalent de la consommation domestique de 450 millions d’Européens.

La croissance de l’énergie du vent semble même insensible aux soubresauts de l’économie mondiale : elle suit une courbe exponentielle, tendue vers des sommets très élevés. L’Agence internationale de l’énergie, prudente, estime que le parc mondial pourrait approcher 590 GW en 2020 (soit un doublement), quand le Global Wind Energy Council (GWEO, représentant l’industrie éolienne mondiale), naturellement plus enthousiaste, prévoit 760 GW. Dans l’Union européenne, le principal fief des renouvelables, il s’est installé en 2012 plus de puissance éolienne que n’importe quel autre type de centrale électrique – charbon, nucléaire, gaz. Malgré cette croissance exceptionnelle, l’éolien ne couvre aujourd’hui que 2,5 % de la consommation mondiale d’électricité : la filière était insignifiante jusqu’à la fin des années 1990. Mais, si les projections du GWEO se confirment, cette part pourrait dépasser 8 % en 2020. En effet, l’énergie du vent occupe déjà une place très importante dans les pays pionniers. Elle couvre en moyenne 11 % des besoins électriques en Allemagne, 16 % en Espagne et au Portugal, et même 30 % au Danemark, qui vise 50 % pour 2020 ! Le point d’étape du Earth Policy Institute montre que l’éolien gagne rapidement au-delà de l’Europe, qui détient encore 37 % du parc mondial. Plus de 80 pays produisent aujourd’hui de l’électricité avec le vent, et 24 d’entre eux disposent de plus de 1 GW de puissance. Dont la Chine, le véritable phénomène de la classe renouvelable depuis une demi-décennie. Son irruption dans l’industrie des renouvelables a bousculé la hiérarchie des fabricants d’équipements en un temps record, mais « l’atelier du monde » ne vise pas que les marchés à l’exportation, loin de là. La Chine a installé 13 GW d’éolien en 2012, plus que n’importe quel autre pays dans le monde, et son parc atteint 75 GW –  27 % du total mondial, dépassant les États-Unis (21 %). Plus significatif encore : l’an dernier, et pour la première fois, la production électrique s’est accrue plus vite dans l’éolien que dans la filière charbon, qui domine encore massivement (80 % du total). Et le vent fournit déjà plus de courant que l’atome depuis près de deux ans. La Chine a pourtant marqué une pause en 2012 : le réseau électrique ne s’adapte pas assez rapidement à l’introduction de ces nouvelles capacités de production. Il n’empêche : en 2020, le pays pourrait disposer de 250 GW éolien – au moins un tiers de la capacité mondiale.

Depuis quelques années, les autorités chinoises poussent un ambitieux programme de développement des renouvelables. Bien plus qu’une opportunité économique : la Chine est désormais très préoccupée par les énormes dommages environnementaux causés par une industrialisation extrêmement rapide. Une étude officielle vient de chiffrer à 175 milliards d’euros (3,5 % du PIB) le coût de la dégradation des écosystèmes en 2010 – pollution de l’air, de l’eau, des sols, exploitation des ressources naturelles, contamination des aliments, etc. [^2]. Ce montant aurait quadruplé depuis 2006, et il est même ouvertement sous-estimé, les chercheurs reconnaissant qu’il leur manque des données. Avec l’explosion de la circulation routière et une production d’électricité accro au charbon, la pollution atmosphérique en ville peut dépasser de plus de vingt fois les taux relevés en Europe.

[^2]: www.nytimes.com, 30 mars.

Autre « fusée » renouvelable : l’électricité solaire. Fin 2012, le parc photovoltaïque mondial dépassait la borne symbolique des 100 GW [^3], au prix d’une croissance encore plus fulgurante que celle de l’éolien : il s’est installé 30 GW en 2012 ! Là encore, l’Europe ne fait plus figure de puissance ultradominante. L’an dernier, un tiers de la capacité supplémentaire a été installé hors de l’Union – Chine en tête avec environ 4 GW. En janvier, le groupe Bloomberg, spécialisé dans l’information économique, publiait pourtant un rapport relevant en 2012 un recul de 11 % des investissements dans le domaine des renouvelables – qui ont néanmoins atteint 200 milliards d’euros, contre 225 en 2011 ^4. Paradoxalement, l’information est plutôt rassurante : les analystes s’attendaient à une baisse plus importante, en raison de la remise en question des soutiens publics à ces énergies (devenues compétitives dans certaines circonstances), de la crise économique, de l’engouement pour le gaz de schiste (aux États-Unis) ou du marasme de marchés comme celui du photovoltaïque, où les fabricants chinois sont soupçonnés de pratiques commerciales déloyales. Les investissements n’en ont pas moins été multipliés par cinq depuis 2004. Et certains pays comme le Japon (+75 %, Fukushima oblige) et la Chine (+20 %) ne subissent pas le recul, qui touche d’abord l’Union européenne et les États-Unis.

[^3]: En production d’électricité, l’équivalent d’une quinzaine de réacteurs nucléaires.

Écologie
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